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Le chien dominant n’existe pas.

Publié le 23 Janvier 2020
Le chien dominant n’existe pas.

Étant propriétaire de 3 chiens, je me suis souvent demandé qui était mon « chef de meute ». Car telle est la croyance populaire : dans une meute de chiens, il y a un mâle ou une femelle alpha. Puis il y a les dominés.

Les éducateurs canins traditionnels décrivent le chien dominant comme celui qui :
  • mange toujours en premier
  • se garde la meilleure place, le fauteuil ou le panier le plus confortable
  • a la priorité sur les jouets, prend l’initiative du jeu.

J’ai donc attentivement observé Pénélope, Maki et Merlin, pendant les moments clefs de leurs relations.

Au moment du repas, ou lors de distribution de friandises, aucun doute : Pénélope domine. Elle s’arrange pour toujours être la première servie. Maki et Merlin n’osent jamais s’approcher de sa gamelle.

Pénélope serait donc ma chef de meute ? Pas si sûr.

J’ai aussi observé mes chiens au moment de la sieste. Et comme par hasard, c’est Maki qui a systématiquement le fauteuil le plus confortable. Et si Pénélope ose s’approcher, il grogne.

Donc Maki serait mon mâle dominant ? Non plus !

Quand Maki emmène un jouet dans son panier, Merlin n’hésite pas à le lui piquer. Maki a beau grogner, cela n’intimide pas Merlin. Il lui vole allègrement ses bois de cerfs, cordes, peluches… Et mon pauvre Maki, contrarié, n’ose même pas s’en plaindre.

C’est à n’y rien comprendre : qui est donc le chef de ma meute ?

La réponse : il n’y en a pas.

La doctrine traditionnelle du ‘dressage’ de chiens repose sur un mythe. Un mythe selon lequel une meute de chiens est hiérarchisée. C’est une croyance complètement obsolète basée sur de mauvaises études scientifiques.

Vous avez peut-être déjà lu mon dernier article sur le mythe de la hiérarchie entre le chien et son maître. Aujourd’hui, je vous dévoile les découvertes les plus récentes des comportementalistes compétents. Et les études sont formelles : la hiérarchie entre chiens… est une lubie.

La dominance – une théorie éclose au cœur de l’idéologie nazie

La théorie de la dominance entre chiens est née des écrits de Konrad Lorenz — biologiste autrichien et membre du parti nazi1.

En observant une meute de loups vivant en captivité, Lorenz analyse leurs rapports lors du partage des ressources. La nourriture, l’espace de vie, l’eau, les femelles reproductrices…

Il observe que c’est souvent le même loup — qu’il appelle le mâle alpha, qui est prioritaire. C’est lui qui se garde le meilleur morceau de viande. La place la plus confortable. Qui assure sa progéniture.

Lorenz en déduit qu’il existe une hiérarchie établie chez les loups. Dans une même race, il y a les dominants, qui méritent, par leur statut, les meilleurs morceaux… Et les dominés, plus faibles, qui ralentissent la meute.

En réalité, Lorenz projette sur les loups la société nazie telle qu’il l’imagine : une société très hiérarchisée, avec des races supérieures, et un chef absolu à qui on doit obéissance et respect2. Cette idéologie a connu un dangereux succès dans l’Allemagne nazie. Le loup de Lorenz est noble, sauvage, dur, impitoyable. Il vit dans un groupe fermé d’élite, avec des règles strictes. Je vous laisse imaginer le rôle que ce « culte du loup » a joué dans l’idéologie nazie.

En 1973, Lorenz reçoit le prix Nobel pour ses études sur la psychologie animale. Bien que ce prix soit extrêmement controversé par toute la communauté scientifique de l’époque, c’est ainsi que l’idée d’une hiérarchie chez les canidés fit le tour du monde.

Aujourd’hui, cette théorie de Lorenz est complètement invalidée. Pourtant, la croyance en la « dominance » chez le chien persiste.

Rapports entre loups et chiens errants : la réalité

Loups sauvages et loups en captivité : des rapports complètement opposés

C’est en 1999 que notre compréhension du loup prend un réel tournant. Lucyan David Mech, zoologiste américain, observe cette fois-ci des loups à l’état sauvage. Pas en captivité comme avait pu le faire Lorenz. Il en tire les conclusions suivantes — que vous pouvez également découvrir dans son interview en vidéo ci-dessous :

Dans un zoo, les loups sont forcés à vivre ensemble. Ils n’ont souvent aucun lien de parenté ni d’affinités particulières. L’espace est restreint, les ressources sont limitées. Résultat : les rapports entre les loups en captivité sont souvent conflictuels.

À l’état naturel, Mech observe que l’organisation d’une meute est bien plus paisible. D’abord, parce qu’une meute est tout d’abord une famille. Un couple de parents, et les louveteaux. Les plus jeunes obéissent naturellement aux parents. Auparavant interprétée comme de la soumission, cette attitude n’est qu’une expression du lien de parenté.

À l’adolescence, les jeunes loups deviennent plus indépendants. Dès les premiers désaccords avec le couple de parents, ils quittent la meute — pour vivre seuls, puis fonder une famille eux-mêmes.

Chiens et loups : des animaux pacifistes qui évitent les conflits

J’ai observé attentivement les rapports entre mes trois chiens. J’en suis venu aux mêmes conclusions que les biologistes qui ont observé des meutes de chiens errants.

Première observation : la priorité de nos chiens est de préserver la paix au sein du groupe. La nourriture, l’espace personnel, l’attention de leur humain sont certes des ressources importantes. Or, les chiens sont rarement prêts à se battre pour les départager. L’agression ne fait pas partie de leurs interactions.

Deuxième observation : nos chiens respectent les besoins de leurs congénères. Par exemple, Maki est un gros gourmand. Il regarde souvent la gamelle de Pénélope avec envie. S’il tente de lui voler une croquette, elle montre les dents. Dans le souci de maintenir la paix au sein du groupe, il fait donc une croix dessus. Et ce comportement est observable dans toutes les meutes.

Pénélope, elle, sait que Maki n’aime pas être dérangé pendant ses séances papouilles. Si elle s’approche, il lui aboie dessus. Même si elle aussi, a envie d’attention, elle attend sagement son tour.

Maki et Pénélope ne sont pas une fois dominants, une fois soumis. Ils échangent seulement des informations sur leurs limites respectives.

Apprendre à mon chien le respect de l’équilibre social

L’apprentissage du respect chez le chiot

Néanmoins, le respect de ses congénères n’est pas une qualité innée chez le chien. Les chiots, comme les enfants, naissent naturellement égoïstes et impulsifs. C’est avec leurs parents, et leurs frères et sœurs qu’ils apprennent la notion de respect.

Par exemple, un chiot qui mord les mamelles de sa mère et la harcèle pour téter sera vite remis à sa place. Ce n'est pas agréable, et en plus il n’obtient pas ce dont il a envie.

Si ce même chiot s’amuse à mordre ses frères et sœurs, il sera peu à peu exclu de la meute. Il dormira tout seul, n’aura plus de compagnons de jeu.

À l’adolescence, le chiot prend plus d’assurance. Les adultes continuent de jouer un rôle régulateur. Les parents, par exemple, leur font comprendre quand un comportement n’est pas acceptable.

Le jeune chien apprend naturellement qu’en trouvant des compromis, il finit gagnant.

Sevrage « social » : un passage primordial !

C’est pour cela qu’il est essentiel de respecter le sevrage du chiot. Je ne fais pas juste allusion à la période pendant laquelle il se nourrit du lait maternel. Je parle du « sevrage social ». C’est le temps dont le chiot a besoin pour comprendre les codes du monde canin. Pour apprendre à communiquer avec ses congénères.

Ce sevrage social est plus long — au moins trois mois ! Les interactions entre un jeune chien et d’autres membres de son espèce sont donc primordiales.

Souvent, les chiens qui entretiennent des rapports conflictuels sont des chiens qui :

  • sont enlevés à leur mère trop tôt, puis élevés à l’écart des autres chiens
  • ont des maîtres qui ont peur qu’il rencontre d’autres animaux.

On qualifie à tort ces chiens de « dominants »… En réalité, ce sont des chiens qui n’ont jamais appris à communiquer et à comprendre leurs congénères.

C’est également pour cela qu’il ne faut pas protéger un jeune chien qui se fait remettre en place par un adulte — à condition que la « correction » soit proportionnelle. Il apprend ainsi à vivre en communauté.

Théorie de la dominance et mythes de l’éducation traditionnelle

Cette nouvelle compréhension du chien remet en cause beaucoup d’idées reçues, phares de l’éducation traditionnelle. Voici les 3 mythes les plus flagrants. Ils sont tous basés sur la théorie de la dominance — qui aujourd’hui est complètement dépassée.

Le chien dominant mange en premier — FAUX

Quand dans une meute, il y a assez de nourriture pour tout le monde… tous les chiens mangent en même temps. Certes, il y a des tensions. Ces dernières sont dues au non-respect de l’espace personnel. Par exemple, Pénélope grogne sur Maki quand il mange trop près de sa propre gamelle.

Manger systématiquement avant votre chien n’aura donc aucun effet sur votre relation.

Le chien qui monte sur le canapé essaye de devenir dominant — NON

Les différentes études sur des groupes de chiens sont formelles : n’importe quelle place peut être prise par n’importe qui. Le chien étant un animal hédoniste, il prendra systématiquement la place qui est plus confortable. Et cela dépend des préférences de chacun.

Pénélope, avec son poil épais, aime dormir sur le carrelage — voir dans le jardin, l’été. Merlin aime dormir sous la table — cela lui donne un sentiment de protection. Maki, lui, est un adepte des coussins bien moelleux — et notamment du canapé. Il aime l’odeur rassurante de ses humains.

Cela ne fait pas de lui un « chef de meute », ou le « roi de la maison ». Il n’a aucune intention méchante ou dangereuse en choisissant un fauteuil qu’il trouve confortable.

Un chien qui initie le jeu est dominant — MYTHE !

Arrêtons de voir des prérogatives de dominance là où il n’y en a pas. Le chien qui initie le jeu… est tout simplement le plus joueur. C’est aussi simple que ça.

Chez moi, c’est souvent Merlin qui vient embêter Pénélope avec un bâton ; parfois, c’est Pénélope qui va bousculer Maki et lui faire un appel au jeu.

Selon les dresseurs traditionnels, le chien qui vous sollicite pour jouer et un chien dominant. Ils nous interdisent de répondre à ses sollicitations — sous peine d’être « dominés ». C’est du grand n’importe quoi.

Vous pouvez répondre aux appels au jeu de votre chien. Certes, il prendra l’habitude de vous solliciter dès qu’il a envie de jouer. Mais il ne verra pas en vous un « dominé » — plutôt un compagnon de jeu toujours enthousiaste.

Cet héritage de la théorie de la dominance est utilisé pour justifier des méthodes d’éducation complètement obsolètes. De la même manière que les louveteaux dépendent de leurs parents, nos chiens dépendent de nous. C’est l’humain qui le nourrit, le promène, décide de son emploi du temps.

Si certains y voient un prétexte pour dominer leur compagnon, je préfère y voir une responsabilité. Nous sommes responsables du bonheur de nos chiens ; de leur santé ; de leur bien-être.

Bannissons cette idée de dominance chez les chiens — et œuvrons plutôt pour une relation sans conflit avec notre compagnon — qui ne l’oublions pas, reste le meilleur ami de l’homme !


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