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Trafic d’animaux : troisième commerce illégal au monde (après la drogue et les armes)

Publié le 04 Novembre 2019
Trafic d’animaux : troisième commerce illégal au monde (après la drogue et les armes)
  Êtes-vous déjà passé devant une animalerie ? Tout est fait pour donner envie. Des petits Bichons adorables réclament de l’attention. Des Golden Retrievers de 2 mois sautent contre la vitrine de leur cage. Des Beagles tout excités jappent quand on passe devant. Et bien sûr, écrit en gros sur leurs cages : « facilité de paiement ». Car oui, c’est le paiement qui intéresse. Vous voyez votre chien comme un ami fidèle, un confident, une partie de votre famille. D’autres le voient comme une source de profit. L’animal est un produit sur lequel on peut marger, sans égard pour ses besoins. Une animalerie vend en moyenne un chiot toutes les deux heures. J’ai fait ce constat le week-end dernier. J’ai passé un après-midi entier dans une grande animalerie près de chez moi, pour renouveler mon stock de jouets, os fumés, coussins, etc. Entre deux paquets de croquettes, je garde un œil discret sur le « rayon chiots ». En quatre heures, le vendeur réussit à en placer deux : un petit Jack Russel qui fait des allers-retours dans sa cage, et un jeune labrador qui sommeille tranquillement dans son coin. Curieux, je demande au vendeur s’ils partent toujours aussi vite. Il reste vague, mais effectivement, les chiots partent vite (particulièrement en week-end ou pendant les périodes de fête). Je lui demande ensuite l’origine des chiots. Le vendeur a l’habitude, et il me montre les papiers. Apparemment, ils viennent tous d’un élevage de la région. Le nom me dit quelque chose... Mais oui ! Falco venait de là-bas ! Falco est un labrador de 3 ans - je l’avais gardé en famille d’accueil suite à son abandon. Son carnet de santé indique qu’il est né dans le même élevage. Je ne peux malheureusement pas vous en dévoiler le nom. Je vous dirai juste : c’est un élevage proche de la frontière belge. Il propose « toutes races de chiens ». Et à tout moment de l’année. Suspect. Je suis donc dubitatif. Si le samedi et le dimanche, l’animalerie vend un chiot toutes les deux heures, c’est-à-dire au moins 6 chiots par jour, alors elle vend 12 chiots tous les week-ends. Si on compte les jours de la semaine, j’estime que l’animalerie vend en moyenne 20 chiots par semaine. Soit 1040 chiots par an. Tous issus du même élevage ? Ça me parait beaucoup… Si on suppose qu’une chienne fait des portées de 6 chiots en moyenne, alors il faudrait 173 portées tous les ans. Admettons que l’élevage en question exploite ses femelles, et les force à mettre bas au rythme effréné de 2 portées par an. 173 divisé par 2, ça veut dire que l’élevage compterait 86 chiennes ! 86 chiennes, avec chacune 6 chiots… ça fait 602 chiens en quasi-permanence. Je fais une recherche sur les Satellites Google pour analyser la surface de l’élevage. Le bâtiment fait à peine 200m². Plus de 600 chiens dans un si petit espace ? C’est impossible : la loi impose minimum 5m² par chien¹. Il faudrait un minimum 430 m² - et encore, c’est en ne comptant que les femelles… Je poursuis mon enquête. Le site de l’élevage est formel : tous leurs chiens viennent de France. Mais… pour voir les parents du chiot, il faut généralement se rendre dans d’autres élevages à proximité. Je trouve des avis sur cet élevage dans différents forums. Ils disent tout autre chose. Chiots squelettiques. Informations erronées sur leurs origines. Impossibilité de connaitre les parents. Chiens malades dans les quelques jours, voire quelques heures, suivant leur adoption. Origine des chiots d’animalerie : direction les usines à chiens en Europe de l’Est Je continue mes recherches sur internet. Terrible découverte : les petites boules de poils vendues en animalerie viennent d’usines à chiots clandestines en Europe de l’Est. Et les professionnels français participent à ce trafic illicite en toute connaissance de cause. Difficile à croire ? Voici un reportage vidéo de 30 Millions d’Amis. L’association y dénonce la terrible maltraitance subie par les chiots vendus en animalerie. Attention, car certaines images sont choquantes.
Je lis également une interview de Brigitte Piquetpellorce, responsable de la cellule anti-trafic de la SPA. J’apprends que les contrôles sur le bien-être des animaux sont nettement moins fréquents en Slovaquie, Roumanie, Bulgarie ou en République tchèque. Résultat : les élevages intensifs y pullulent. Brigitte Piquetpellorce est allée dans une de ces usines. Son témoignage glace le sang : « Des hangars, de véritables usines de reproduction, ouverts à tout vent. N'importe quel renard pouvait entrer et mordre les chiots, qui ont souvent les yeux collés par le pus. Je revois aussi leur nourriture collée dans le fond des gamelles… Et je me souviens être entrée dans un élevage en Slovaquie qui sentait tellement fort l'ammoniaque que j'ai dû sortir. Pourtant je ne suis pas une petite nature. »². Là-bas, les chiens sont élevés en batterie. Les femelles reproductrices, enfermées dans des petites cages, enchaînent portée sur portée. Une fois trop vielles pour donner naissance, elles sont abandonnées à leur triste sort. Les chiots et leurs mamans pataugent dans leurs propres excréments. À à peine deux mois, les petits sont arrachés à leur mère. Ils entament alors un long transit jusqu’en France. Et oui, un chien se vend mieux s’il est plus jeune, plus mignon… On ne perd pas de temps à attendre la fin du sevrage. La vente de chiots est une affaire très lucrative. En Slovaquie, par exemple, un chiot se vend en moyenne 300€. Une grosse somme là-bas, surtout pour le peu de soins qu’on leur offre. Le transporteur marge également sur la contrebande… Ainsi que le revendeur français, qui touchera jusque 2000€ pour le même animal. Des centaines de chiots meurent lors du trajet Les conditions de transport pour amener les chiots d’Europe de l’Est jusqu’en France sont catastrophiques. Les chiots non sevrés sont empilés dans des cages minuscules, et brinquebalés des journées entières. Beaucoup meurent assoiffés, ou étouffés par la chaleur et le manque d’espace. Et oui, il faut rentabiliser le trajet… Afin d’arriver en France (et d’y être vendus), les chiots transitent souvent par la Belgique ou les Pays-Bas -plaque tournante dans ce triste trafic. Ensuite, ils passent par des élevages français - comme celui de Falco, devenant des chiens « made in France » auprès des acheteurs. Les chiens de mon animalerie locale viennent donc d’Europe de l’Est. Et adopter un chien chez eux, c’est soutenir ce trafic infâme. Les chiens ont l’obligation d’être sevrés et vaccinés. Or, il est facile d’obtenir de faux papiers mentant sur l’âge et les vaccins. Brigitte Piquetpellorce raconte qu’en se faisant passer pour une acheteuse potentielle, on lui a même proposé un stock de puces françaises trafiquées. Stockage de chiots en animalerie : Alerte Maltraitance ! Le calvaire de ces pauvres chiots ne s’arrête pas là. En lisant différents témoignages sur Facebook, je suis tombé sur celui de Diana³, lanceuse d’alerte. Elle a longtemps travaillé en animalerie : « Il y a aussi les chatons et les chiots qui ne sont pas vendus et qui finissent par péter les plombs à force d'être enfermés en vitrine. En grandissant, ils ont besoin de se défouler. Je me suis vu supplier le responsable pour sortir un chien de son box ridicule afin qu'il puisse gambader un minimum. Ces pauvres petits n’avaient que la litière pour jeux. Et pourtant, je vous parle d'une enseigne très réputée ! » Mais le profit prime sur le bien-être des chiens. Pas de temps de payer un salarié en plus pour les sortir, les câliner, les socialiser, les éduquer. Et si l’un d’entre eux tombe malade (très fréquent aux vues des conditions insalubres), pas de budget pour un vétérinaire. Il faut alors le vendre le plus vite possible. Diana continue : « On ne se soucie pas non plus de la peine que peuvent avoir les clients de perdre leur animal en quelques mois. Et surtout, on conseille tout et n'importe quoi, le principal c'est de vendre un maximum... La plupart des vendeurs animaliers n'y connaissent strictement rien sur l'animal en question. Ils ne sont pas formés pour connaitre les animaux ou leurs besoins. Juste pour les vendre ! ». Des problèmes de santé à vie Adopter un chiot en animalerie, c’est prendre le risque que son animal tombe subitement malade. Normal, car dès leurs premiers jours, ils vivent entassés les uns sur les autres, souvent sans être vaccinés, et dans des litières jonchées d’excréments. Souvent, ils souffrent de problèmes génétiques liés à la consanguinité. Enfin, les chiots ne sont pas correctement sevrés. Résultat : ils souffrent de malnutrition, impactant leur croissance, leur système immunitaire, et le développement de leurs organes vitaux. Le sevrage prématuré mène aussi à de gros problèmes comportementaux. Le chiot apprend énormément de sa mère, cette relation est essentielle à la socialisation de l’animal. Un sevrage précoce, aucune affection humaine ses premiers jours, et c’est inévitable : le chiot devient peureux, voir agressif. Il nécessite alors une famille patiente, expérimentée, aimante… Mais malheureusement, ce n’est pas la priorité des animaleries. Des animaux qui finissent abandonnés Le premier intérêt de l’animalerie, c’est de vendre. Peu importe à qui, peu importe les besoins du chien. Un malinois vendu à une famille de 3 jeunes enfants en appartement ? Pas de soucis ! Un jack russel adopté par une personne âgée qui ne peut sortir de chez elle ? Bien entendu ! Falco, le labrador que j’avais recueilli, était sage comme une image. Mais sa famille n’avait pas le temps de s’en occuper, et l’a abandonné. Est-ce que l’élevage s’en était soucié ? Bien sûr que non ! Résultat : le chien finit souvent par être abandonné. Un de plus dans les refuges déjà pleins à craquer. Les clefs pour bien choisir son élevage Vous l’aurez compris : acheter son chien en animalerie est une grave erreur. Pour ma part, je privilégie l’adoption de chiens abandonnés, avec de bonnes associations de protection animale. Il y a tellement de chiens malheureux qui cherchent une famille aimante… Néanmoins, je peux aussi comprendre l’envie d’adopter un jeune chien d’une race particulière. Dans ce cas, choisissez votre élevage avec soin ! Attention, car un chiot issu d’un élevage français n’est pas forcément gage de bon traitement. Évitez les salons de chiots, ils financent des élevages-usines. Il y a peu de temps (en octobre 2018), la Fondation 30 Millions d’Amis⁴ est intervenue dans une maison familiale à Billy-sous-les-Côtes, en Lorraine. 121 chiens, dont une cinquantaine de chiots, y vivaient enfermés dans des conditions misérables. Akita, Husky de Sibérie, Spitz, Samoyède… Que des races « à la mode », entassées dans de minuscules enclos remplis d’excréments. D’autres, encore moins chanceux, vivent dans des cages rouillées, dans des petites pièces sans aération où règne une odeur nauséabonde.

Les « éleveurs » avaient trouvé leur rentabilité en entassant les chiots dans chaque pièce du domicile. Activité profitable, car ils étaient vendus entre 800 et 4000€ ! Souvent, le lieu de vente n’est pas le lieu d’élevage. Les éleveurs peu scrupuleux ne vous laissent pas voir les parents ni les frères et sœurs. Ils se présentent comme un élevage familial sur leboncoin… Et les clients financent sans le savoir le trafic d’animaux.

Heureusement, il existe de bons éleveurs. Des personnes motivées par l’amour et la beauté du chien, plutôt que par le profit à tout prix. Mais comment faire le tri ? Certains indices ne trompent pas. Ces indices, il faut les connaitre, au risque de financer le trafic d’animaux maltraités. En voici quelques-uns, qui vous permettront de distinguer un bon élevage d’un mauvais :
  • Si l’élevage est inscrit à la Société Centrale Canine, c’est déjà un bon signe (même si ce n’est pas suffisant). Vous avez ainsi la garantie d’avoir un chien au ‘LOF’. Je ne dis pas ça pour le prestige, ou pour l’aspect ‘à la mode’, mais surtout parce que les chiens inscrits au LOF ont des gènes « saines » : vous ne risquez pas de vous retrouver avec un Bouvier Bernois dysplasique, ou un bouledogue hyperthermique.
  • Ensuite, refusez toute adoption d’un chien si vous ne pouvez pas voir la mère. Et attention, ne vous laissez pas duper ! Saviez-vous par exemple que certains éleveurs vous montrent une jeune chienne fringante en nous faisant croire que c’est la mère ? Une ruse pour ne pas dévoiler les vraies conditions de la femelle reproductrice. La vraie mère, elle, croupie dans une cage en enchaînant les portées… Pour déjouer une telle atrocité, regardez bien les mamelles : si c’est réellement la mère, elles doivent être assez saillantes à cause de l’allaitement. Si ce n’est pas le cas, vous êtes probablement en train de vous faire berner.
  • Un bon élevage ne fait qu’une ou deux races. Vous y verrez toujours un ou deux vieux chiens qui s’y baladent. C’est bon signe : ça veut dire que l’éleveur aime réellement ses animaux, il ne s’en débarrasse pas au moment de prendre leur retraite.
  • Demandez toujours à voir les boxes, les nurseries. Posez des questions sur la sociabilisation du chiot. S’il ne sort jamais de son box : fuyez.
L’adoption d’un chien est un moment important dans votre vie. Elle doit être mûrement réfléchie, et jamais prise sur un coup de tête. Le choix de l’élevage est primordial. Prenez le temps de rencontrer les parents, d’attendre la naissance de votre chiot. Ou mieux encore, choisissez un chien abandonné qui cherche une famille aimante –je l’ai fait avec Pénélope, Maki et Merlin, et ils m’en remercient tous les jours !  

Claude Lefevre 

NB1 : Où avez-vous adopté votre chien ? Quelle a été votre expérience ? Je suis avide d’entendre votre témoignage ! Peut-être pourra-t-il alimenter mes articles ? NB2 : Beaucoup adoptent quand même en animalerie, en se disant « au moins, je sauve ce chien de la misère ». Oui. Mais en l’achetant, vous financez ce trafic infâme. L’argent que vous aurez donné pour votre chiot servira à financer d’autres usines à chiens, à donner naissance à de nouveaux malheureux dont la moitié mourra avant même d’avoir ouvert les yeux. Pensez-y.
¹Arrêté du 25 octobre 1982 relatif à l'élevage, à la garde et à la détention des animaux, Annexe 1, Chapitre 2, article 5.a - https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000864910
²https://www.ladepeche.fr/article/2010/02/13/776447-animaux-le-trafic-de-la-honte.html
³ https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10213862893185449&set=pcb.10213862893625460&type=3&theater
⁴ https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/14718-une-veritable-usine-a-chiots-demantelee-dans-la-meuse/

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