Les épillets, un danger largement sous-estimé

Imaginez.

Vous êtes en promenade avec votre chien.

Avec la chaleur qu’il fait, vous décidez d’emprunter les petits sentiers de balade pour profiter de l’air frais de la nature.

1h après votre retour à la maison, votre chien commence à pencher et à secouer la tête.

Quand vous essayez d’inspecter son oreille, il grogne et devient menaçant, lui qui est d’ordinaire si adorable. Habituellement, pour le nettoyage des oreilles, il se laisse faire. Il ne dit jamais rien.

Pas de doute : il a mal.

Plus le temps passe, plus il se secoue frénétiquement la tête. Quelque chose serait-il entré dans son oreille ? Peut-être faut-il le laisser faire ? Après tout, ça pourrait passer tout seul.

Lorsqu'il s'agit d'une otite, vous pouvez l'examiner sans problème. Mais là, c'est mission impossible, la douleur semble trop forte.

Vous vous sentez impuissant et commencez à stresser : et si c’était plus grave qu’il n’y parait….?

Une herbe dans son oreille ?

Au bord des routes et des chemins, les grandes herbes pullulent. Parmi elles, certaines sont particulièrement dangereuses pour nos poilus : les plantes graminées.

Ces herbes sèches sont composées d’une tige centrale, pointue et piquante, et d’un épi. L’épi, qui ressemble à un brin de blé, est formé par un ensemble d’épillets, renfermant de petites graines.

Allongés et fins, ce sont justement les épillets qui posent problème.

Avec leur membrane râpeuse, ils s’agrippent facilement aux surfaces filamenteuses, comme les vêtements ou les poils d’animaux.

Les épillets sont surtout présents dans les champs et les hautes herbes. C’est pendant l’été qu’ils sont plus dérangeants, puisqu’ils s’assèchent rapidement et se détachent facilement du reste de leur tige. Votre animal n’a qu’à les frôler pour qu’ils s’accrochent à son pelage.

Une fois accrochés aux poils, ils se glissent jusqu’à sa peau et s’y incrustent pour y pénétrer complètement. Et là, bizarrement, ils ne se détachent plus.

Un petit épi… Des dégâts considérables

L’épillet est tenace : il se fraie facilement un chemin quel que soit son emplacement sur le corps du chien.

À chaque mouvement, la forme en flèche de l’épi va le faire avancer vers sa peau, qui sera transpercée par la pointe de la graine. Elle va, peu à peu, s’enfoncer sous l’épiderme du chien, sans pouvoir en ressortir. Ses épines s'accrochent aux parois afin de s'enfoncer toujours plus profondément.

Bien souvent, le danger est impossible à détecter sous les poils de l’animal.

Il peut aussi s’immiscer dans n’importe quel orifice : yeux, narines, oreilles, anus, voies génitales… Il s’y introduit et ses pics deviennent particulièrement douloureux pour votre chien.

L’épillet va toujours dans le même sens : il ne fait jamais marche arrière. Ainsi, plus le chien gigote et essaie de s’en débarrasser, plus il s’enfonce sous son épiderme.

Dans les cas les plus extrêmes, l’épillet qui pénètre un orifice peut même aller jusqu’à percer les organes qu’il rencontre, et les conséquences ne se font pas attendre.

Quelle que soit la zone concernée, l’épillet qui pénètre dans l’organisme est une urgence vétérinaire.

Sous la peau

Son petit épi pénètre aisément la couche épidermique. Mais, bien souvent, il vient se loger dans les parties du corps où la peau est fine – le bas-ventre, le dessous des pattes, les aisselles, à l’intérieur des cuisses…

Il provoque alors une infection, qui vire généralement à l’abcès.

Plus on tarde à le détecter, plus ça s’aggrave.

Dans les oreilles

Particulièrement touchée, l’oreille est un lieu facile d’accès pour les épillets.

Ils s’accrochent aux poils autour de l’oreille, puis se glissent sur la face interne du pavillon jusqu’à atteindre le conduit auditif.

À cet instant, l’épillet peut rapidement atteindre le tympan et le perforer, ce qui est particulièrement douloureux.

S’il reste dans le conduit auditif, le chien va souffrir d’une inflammation de l’oreille et développer une otite.

Les symptômes suivants doivent vous alerter :

démangeaisons,
tête penchée,
secouage de tête,
voire écoulement

Dans le nez ou la bouche

S’il pénètre par le nez, l’épillet peut être avalé, puis éliminé dans le meilleur des cas.

Malheureusement, il peut aussi passer par les voies pulmonaires et s’attaquer aux poumons et aux bronches. Il arrive qu’il pénètre les sinus pour remonter jusqu’au cerveau. C’est plus rare, mais cela peut causer des lésions cérébrales.

Un chien qui éternue de façon répétitive et violente, qui renifle de façon excessive, voire qui saigne du nez peut en être atteint.

Les chiens mangeant régulièrement de l’herbe, il est également fréquent de retrouver un épillet coincé entre 2 crocs, dans la babine ou la gencive du chien. Cela se manifeste généralement par une gêne et une inflammation buccale.

Comme la bouche de nos chiens regorge de bactéries, il faut y porter une attention toute particulière pour éviter la surinfection.

Et si votre chien a avalé un épillet, vous le remarquerez par :

une toux récurrente,
des crachats de sang,
ou encore de la muqueuse buccale.

Entre les doigts

Les épillets s’accrochent aux poils et remontent jusqu'entre les doigts de la patte, engendrant alors un abcès interdigité.

Dans l’œil

Si votre chien a le malheur de se coincer un épillet dans l’œil, il risque de se blesser la cornée, provoquant alors une ulcération.

Dans ce cas, il a du mal à ouvrir l’œil, cligne frénétiquement des yeux et se gratte ou se frotte le visage de façon répétée.

Dans les voies génitales ou une glande anale

Pour ce qui est des voies génitales, l’épillet peut occasionner des vaginites chez la chienne.

L’épillet peut facilement s’introduire dans un petit orifice, y compris les deux glandes anales de chaque côté de l’anus. Il provoquera alors une infection, voire un abcès.

S’il migre, l’épillet peut même atteindre le rectum et les organes du bassin.

On ne plaisante pas avec les épillets

De façon générale, les épillets provoquent une forte gêne chez l’animal, voire une douleur, ainsi qu’une inflammation de la zone concernée.

Très rapidement, ils s’enfoncent de plus en plus profondément dans le corps de notre compagnon, et peuvent causer de graves dégâts.

Si l’épillet a migré en profondeur à l’intérieur du corps de votre chien, les symptômes s’apparentent à ceux d’une infection (fièvre, abattement) ou à un dysfonctionnement des organes atteints. Il est donc impératif de le retirer le plus rapidement possible.

Si l’épillet est coincé dans ses poils, vous pouvez le retirer vous-même en vous munissant d’une pince à épiler.

Dans les autres cas, il est préférable d’emmener votre poilu chez le vétérinaire sans perdre de temps. Si l’épillet n’est pas logé profondément, le vétérinaire pourra l’extraire simplement avec une pince. En revanche, une sédation sera peut-être utile, surtout si votre chien souffre et ne se laisse pas manipuler.

Dans les cas les plus graves, une échographie et une chirurgie seront nécessaires.

La clé pour protéger votre chien : la prévention

Vous ne pourrez pas éradiquer tous les épillets de vos chemins de balade, c’est certain. Mais prendre quelques précautions limitera l’incrustation de cette herbe dans les poils et orifices de votre animal.

En été, période durant laquelle les épillets sont le plus présents et dangereux, j’inspecte mes chiens tous les jours, et particulièrement après une promenade en pleine cambrousse. J’apporte un soin tout particulier aux oreilles, aux coussinets et aux parties génitales.

J’en profite d’ailleurs pour vérifier la présence d’éventuelles tiques. Mes chiens sont protégés avec le Vinaigre des 4 Voleurs avant chaque sortie, donc j’ai l’esprit serein à ce sujet, mais une double vérification est toujours conseillée.

Je coupe également un peu les poils - tout en restant raisonnable. Attention, couper un peu ne veut pas dire tondre. Pour rappel, le poil de votre chien lui permet de réguler sa température corporelle. Un chien tondu supportera moins bien la chaleur qu'un chien qui aura conservé son pelage.

L’idéal est de couper les endroits « à risque » : raccourcir les poils sur les coussinets, les oreilles et le dessous du ventre.

Merlin a souvent des bourres de poils et des gros nœuds de poils morts au niveau des fesses et sous les oreilles. Je les coupe systématiquement.

Ne tombez pas non plus dans la panique à chaque promenade.

Inutile de garder votre chien attaché au pied, sans aucune liberté. Certes, vous éviterez tout risque, mais les conséquences comportementales seront bien plus graves.

Gardez simplement l'œil ouvert sur vos lieux de balades, et procédez à une inspection après chaque promenade. Médor ne sera que ravie de cette séance de papouille post balade.

Les promenades sont essentielles et si importantes à leur bien-être, il serait dommage de les en priver.

Amicalement,

Claude Lefevre et mes trois chiens, Pénélope, Maki et Merlin

PS : Si votre poilu a déjà eu une mésaventure avec un épillet, n’hésitez pas à venir me le raconter.

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