Condamné à distribuer des friandises… pour l’éternité !

Une remarque qu’on me fait souvent, en éducation positive, est la suivante : « D’accord, mais quand je n’ai plus de friandises… mon chien ne m’écoute plus du tout alors ! » Quand on démarre un nouvel apprentissage, en éducation positive, on récompense abondement. Je n’exagère pas : la semaine dernière, j’ai appris à Maki le nom de 3 de ses jouets. Le Kong, la balle, et la peluche. J’étais très fier du résultat : quand je demandais à Maki, par exemple, « Où est la peluche ? », il sautait dessus avec ses deux pattes avant. Savez-vous combien de fois j’ai dû le récompenser pour lui apprendre ce petit tour ? Non ? Eh bien honnêtement : moi non plus. J’ai perdu le compte. J’ai dû lui donner (quelque part) entre 100 et 150 morceaux de knacki. Alors je vous rassure : ce sont de tout petits morceaux ; au total, Maki n’a pas mangé plus de 3 saucisses – et sa ration du soir a été diminuée en fonction. Mais en effet, lorsque je le travaille sur des exercices compliqués, je le récompense parfois toutes les 5 secondes. C’est simple : chaque micro-étape est récompensée ; et chaque étape est répétée de multiples fois. Ça en fait des friandises ! Mais c’est la clef pour garder un chien motivé. D’accord. Mais que faire le jour où je n’ai pas de friandises sur moi ? Mon chien perdra-t-il toute sa motivation à coopérer ? Son obéissance est-elle conditionnée à la friandise ? Avant toute chose, je souhaite faire une petite parenthèse sur ce stigma qui règne sur l’éducation à la récompense : Votre chien vous obéit « que » pour la friandise : pas grave ! Au moins il vous obéit ! (J’utilise le terme « obéir » ici, car je n’ai pas trouvé mieux, mais sachez que je n’aime pas trop cette expression. Je devrais peut-être dire « écoute », ou « coopère ».) Trop de propriétaires de chiens, et même de professionnels, annoncent fièrement qu’ils éduquent « sans friandise ». On les envie : avoir un chien qui obéit que pour nos beaux yeux, par dévotion, c’est le rêve ! Mais est-ce réaliste ? Est-ce compatible avec sa nature de chien ? Rappelons-le : un chien est, par nature, un animal hédoniste et opportuniste. Si un comportement lui apporte du plaisir, il va le reproduire. Donc s’il revient au pied quand on l’appelle, et qu’en échange il mange un bout de poulet, il sera bien plus susceptible de revenir la prochaine fois que vous le sifflez. On ne peut pas leur en vouloir : après tout, iriez-vous travailler tous les jours, si vous ne gagnez pas un salaire en échange ? Pour votre chien, c’est pareil. (Si votre chien fait partie des 1% de la population canine qui, effectivement, vous obéit pour vos beaux yeux : vous avez de la chance ! Mais notez que c’est quand même très rare). Alors comment certains éducateurs arrivent-ils à dresser des chiens… sans récompenses ? Refuser d’utiliser la friandise, c’est préférer la menace à la motivation. Admettons maintenant que, si votre chien ne revient pas au pied, vous lui mettiez un coup de collier électrique. Je ne le nie pas : ça marche aussi. Prochaine fois que vous l’appelez, votre chien reviendra vite, la queue entre les jambes. Plutôt que de motiver votre chien à revenir au pied grâce à une friandise, vous l’aurez menacé d’une punition physique. Est-ce le genre de relation que vous souhaitez établir avec lui ? Pour la plupart d’entre nous : non. Pourtant, de nombreux dresseurs de chiens nous l’imposent comme la seule solution « réellement efficace », se moquant de nos friandises. Il n’y a aucune honte à dépendre des friandises pour éduquer votre chien. C’est ainsi que fonctionne le renforcement positif. Mais cela ne répond pas à notre question : sommes-nous condamnés à avoir TOUT LE TEMPS des friandises sur soi, afin d’avoir un chien à l’écoute ? Est-ce possible d’avoir un chien attentif, même quand on a oublié les knackis à la maison ? Oui. Et je vous explique comment, en 3 étapes. Mode d’emploi pour ne plus dépendre de la friandise Premier réflexe : on réduit les friandises progressivement Quand on démarre un nouvel apprentissage, votre chien doit être concentré. L’exercice est difficile, il faut garder sa motivation élevée, en récompensant fréquemment. Graduellement, votre chien va avoir de plus en plus de facilité à réussir l’exercice – comme revenir au pied, faire pipi dehors, ou se détourner d’un chien au lieu d’aboyer. Jusqu’à ce que cela devienne simple comme bonjour ! À ce moment-là, votre chien adopte presque par réflexe le comportement adéquat. Vous n’aurez alors plus besoin de récompenser systématiquement. Un « Oui ! » enjoué suffira. Second réflexe : on utilise un marqueur de comportement Un marqueur de comportement est un signal (le plus souvent un signal sonore), qui signifie que votre chien a réussi l’exercice. Par exemple, le petit « clic ! » qu’émet votre Clicker. Ou votre « Oui ! Bravo ! » très enjoué. Ce son est systématiquement associé à une super récompense. Après suffisamment de répétitions, votre chien éprouve de la joie et de la satisfaction rien qu’à l’entente de votre marqueur. Normal : il a associé le bruit au sentiment de joie et de satisfaction que lui procure une friandise. Attention néanmoins : si vous utilisez trop votre marqueur sans récompense derrière, il risque de perdre tout son intérêt. J’en viens alors à mon troisième point : Troisième réflexe : on continue de récompenser aléatoirement Pour garder la motivation de votre chien, continuez à le récompenser de temps en temps, de manière aléatoire. Ce n’est pas grave si, parfois, vous oubliez vos friandises pour la promenade. Mais essayez d’en avoir toujours quelques-unes dans les poches de votre manteau, afin de renforcer autant que possible les bons comportements. Ainsi, votre chien reste motivé, à l’écoute, et votre relation n’en sera que meilleure !