Mordu pour une gamelle ? Ma solution étape par étape.

Une des premières causes de l’agressivité chez le chien est la protection de ressources.

En d’autres termes : le chien protège quelque chose qui lui est cher.

Et qu’il y a-t-il de plus cher aux yeux de nos chiens que… la nourriture ?

Pour une croquette, Maki est capable de faire l’intégralité des tours de cirque de son répertoire en moins de 5 secondes. Pénélope serait prête à passer sous un bus pour gober un bout de sandwich abandonné dans un caniveau. Merlin se vendrait corps et âme pour que je lui laisse mes croûtes de fromage.

Mes chiens ont beau être de sacrés gourmands, j’ai de la chance : ils ne se battent jamais pour protéger leur gamelle. En tout cas, plus depuis longtemps !

Malheureusement, ce n’est pas le cas de tous. Certains, et souvent chiot, grognent lorsqu’un humain ou un chien s’approche d’eux pendant leur repas. Ils n’hésitent pas à mordre.

Bonne nouvelle : c’est une réaction naturelle, qu’on peut facilement résoudre. Je vous explique comment dans ma lettre.

Votre chien vous suspecte de vouloir voler ses croquettes.

Vous avez beau lui expliquer que vous êtes végétarien : votre chien a la tête dure !

Pour lui, sa gamelle a tellement d’importance qu’il faut la protéger à tout prix. Il craint que les autres chiens lui piquent des croquettes. Que le chat lui vole sa pâtée. Que vous lui retiriez sa gamelle. Bref : tout ce qui a un estomac est une menace.

Et après tout, c’est normal ! Votre chien vient peut-être d’une portée de 12 chiots, où il faut se battre pour avoir la meilleure mamelle ; pour engloutir un maximum de pâtée. Peut-être vient-il d’un refuge, où il était nourri avec d’autres chiens qui se jetaient sur la gamelle des autres.

Il est donc naturel qu’il protège sa nourriture : pour lui, c’est une question de survie.

Punir un chien qui protège sa gamelle : l’erreur à ne pas commettre

Face à un chien qui grogne, vous avez deux écoles.

La première, l’école traditionnelle, s’offusquera de ce comportement de « chien dominant ». Les dresseurs qui suivent cette philosophie vous intimeront de rétablir les rapports hiérarchiques. En d’autres termes : faire comprendre à votre chien « qui est le patron ».

Lui interdire le canapé ; le faire manger après vous ; ignorer toutes ses sollicitations – quand il a envie de jouer, par exemple.

Et, si votre chien persiste à grogner quand vous vous approchez de sa gamelle : on le punit.

J’aurai deux commentaires à faire sur cette manière de procéder.

D’une part : votre chien a peur que vous lui voliez sa gamelle : je ne vois pas en quoi lui interdire le canapé et le faire manger après vous a un quelconque lien avec ce problème. Vous pouvez tester : il n’y aura aucun changement sur le comportement de votre chien.

D’autre part : il est facile de punir un chiot qui grogne devant sa gamelle. Maintenant imaginez qu’il s’agit d’un St Bernard de 85 kgs. Personnellement, je préfère opter pour une solution où je n’entre pas en conflit avec le chien.

Cette solution, je vous la donne ci-dessous.

Je peux approcher la gamelle de mon chien – un guide étape par étape.

Votre chien doit comprendre la chose suivante : humain = nourriture + + +. Pas l’inverse.

Pour se faire, il faut qu’il associe votre présence à quelque chose de systématiquement positif. Quand vous vous approchez de sa gamelle, c’est pour lui donner encore PLUS à manger.

Voici 8 étapes pour qu’il le comprenne. Dans ce protocole, chaque étape prend un jour ou deux, mais surtout, n’hésitez pas à adapter la durée de chaque étape. Si votre chien progresse vite, vous pouvez en sauter ; si au contraire, ses habitudes de protection sont très ancrées, n’hésitez pas à passer plusieurs jours sur chaque étape.

Jour 1 : Nourrissez votre chien à la petite cuillère

Littéralement – bien que la petite cuillère soit superflue. Oubliez la gamelle : donnez à votre chien sa portion de croquettes (ou de viande crue) morceau par morceau. Il doit manger directement dans votre main.

Jour 2 : Remplissez sa gamelle bouchée par bouchée

Cette fois, votre chien ne mange pas dans votre main, mais dans sa gamelle. Vous mettez 10 croquettes dans la gamelle ; il les mange ; il vous regarde en remuant la queue ; vous rajoutez 10 croquettes… etc.

Si votre chien montre des signes d’inconfort, entre l’étape une et deux, vous pouvez pendant un jour mettre les croquettes à terre. N’utilisez la gamelle que le troisième jour.

Jour 3 : S’avancer, remplir la gamelle, reculer.

Nourrissez votre chien debout. Continuez à lui donner sa ration morceau par morceau ; mais cette fois, reculez de deux pas après avoir versé quelques croquettes. Quand votre chien a fini, avancez de nouveau, et rajoutez quelques croquettes. Puis reculez à nouveau.

Jour 4 : Pareil que jour 3, mais sans ‘pause’ dans le repas !

Le lendemain, faites le même exercice, mais n’attendez pas que votre chien ait finit sa portion avant de rajouter un peu plus de croquette dans sa gamelle.

Petite astuce : si votre chien mange trop vite pour que vous ayez le temps de reculer, puis de vous rapprocher de sa gamelle avant qu’il ait finit ses 10 croquettes, utilisez une gamelle anti-glouton.

Si votre chien est heureux de vous voir vous approcher de sa gamelle avec plus de croquettes ; s’il remue la queue, frétille d’impatience, et ne montre aucun signe d’inconfort ou d’agressivité, vous pouvez passer à l’étape 5.

Jour 5 : Refaire les mêmes étapes avec de la meilleure nourriture

Cette fois, au lieu de donner des croquettes à votre chien, donnez-lui du fromage, des knackis, un os cru… Bref, de la nourriture avec beaucoup de valeur. Rapprochez-vous pour lui donner quelque chose d’encore meilleur, ou de valeur équivalente.

Jour 6 et suivants : les bonus ‘surprise’

Si votre chien ne montre aucun signe d’inconfort, vous pouvez maintenant le nourrir dans sa gamelle, mais en vous approchant de temps en temps pour ajouter quelque chose de meilleur – le ‘bonus surprise’.

Je dis ‘surprise’, mais évidemment ne sautez pas sur votre chien pour lui balancer du jambon sans prévenir ! Déposez une friandise près de sa gamelle quand vous passez à côté. S’il montre uniquement des signes d’enthousiasme, vous pouvez la déposer directement dans sa gamelle. Allez-y progressivement.

Jour 7 et suivants : on fait participer d’autres humains !

Maintenant, faites intervenir d’autres personnes. Votre conjoint, vos enfants, des invités… Sans brûler les étapes, évidemment ! Pour certains chiens, le nouvel humain pourra directement mettre une knacki dans la gamelle. Pour d’autres, il faudra reprendre toutes les étapes, une à une, avant qu’il accepte la présence d’une nouvelle personne pendant ses repas. Dans le doute, ne prenez pas de risque.

Observez bien votre chien : s’il montre le moindre signe d’inconfort, revenez à l’étape précédente.

Jour 10 et suivants : les manipulations

Une fois que votre chien est tout à fait à l’aise avec votre présence pendant ses repas, vous pouvez commencer à le toucher pendant qu’il mange. Attention, cela peut prendre du temps. Commencez par une caresse furtive, immédiatement suivie d’une super friandise. Une caresse par repas suffit – le but étant de ne jamais dépasser les limites de votre chien.

A force de patience, votre chien finira par accepter (et même apprécier !) votre présence pendant ses repas. Normal, si quand vous êtes là, une fois sur deux sa ration de nourriture augmente !

Et comment faire si votre chien protège sa gamelle des autres chiens ?

Voilà un tout autre problème. Votre chien ‘mangeur’ attaque le chien ‘ennemi’ qui l’approche lors de son repas.

La première question à vous poser est : quelle est l’attitude du chien ‘ennemi’ ?

Deux options :

1.  Le chien ennemi est un sacré gourmand, qui vole de la nourriture et se sert dans la gamelle des autres chiens. Dans ce cas, vous ne pouvez pas en vouloir au chien mangeur de protéger sa pitance. Le travail de rééducation doit se faire sur le chien ‘ennemi’ : il doit apprendre qu’à l’heure du repas, c’est chacun sa gamelle. Faites-le manger en laisse, pour qu’il ne puisse pas aller plus loin que sa gamelle. Vous pouvez utiliser une gamelle anti-glouton pour ralentir son rythme d’ingestion. Ainsi, il ne finira pas avant ses copains, et ne sera pas tenté d’aller leur voler des croquettes. Vous pouvez progressivement, au fil des semaines, détendre la laisse. A force, le chien ‘ennemi’ aura pris l’habitude de manger dans sa propre gamelle – et n’ira plus voler dans celle des autres.
2.  Deuxième option : le chien ennemi n’a rien fait de mal, mais le chien mangeur ne tolère pas sa présence à proximité. Encore une fois, il faut y aller progressivement. D’abord, nourrissez les deux chiens dans des pièces séparées. Puis, laissez la porte ouverte. Rapprochez les gamelles très progressivement – je vous préviens, cela peut prendre des mois. A force de manger de plus en plus proche du chien ‘ennemi’ sans se faire voler ses croquettes, le chien ‘mangeur’ comprendra qu’il n’y a pas lieu de s’énerver.

La protection de ressources est une réaction naturelle, mais qui s’efface facilement. Prenez votre temps ; ne brûlez pas les étapes ; et agissez toujours avec bienveillance. Votre chien comprendra bientôt qu’il est dans son intérêt de vous laisser s’approcher de sa gamelle !

Claude Lefevre