Pour en finir avec le collier électrique

Il y a quelques semaines, mon association a recueilli un chien sorti de maltraitance. Il appartenait à un chasseur, et était bien mal en point. Nous remarquons vite une douleur sur son cou. Après avoir rasé les poils, nous découvrons une plaie semblable à celle-ci :

La peau rouge, boursouflée ; deux trous dont sort du pue ; les signes ne trompent pas. Pour avoir un bon rappel, le chien portait en permanence un collier électrique. Je ne suis pas en colère face à ces maîtres qui, sans être renseignés, utilisent cet outil sur leur chien. À une époque, je l’ai moi-même envisagé comme solution. Non, ce qui me met hors de moi, ce sont les industriels, qui nous vendent ces outils de torture en nous assurant que « ce n’est pas douloureux pour le chien ». Je suis furieux contre les éducateurs canins qui les préconisent comme un outil miracle. Quel genre de professionnel conseille d’appuyer sur un bouton pour envoyer une décharge électrique ?! C’est un signe d’incompétence totale. Je suis dégoûté par certains vétérinaires, qui mettent en vente ces outils dangereux dans leurs cabinets. Se soucient-ils des terribles conséquences qu’ils ont sur la santé de nos chiens ? Ils sont censés les protéger ! Pas se faire du profit en vendant des outils de torture ! Ce sont ces industriels, dresseurs, vétérinaires, qui entretiennent l’acceptation générale du collier électrique. Pourtant, il existe des méthodes respectueuses et infaillibles pour enseigner le rappel à son chien. Je vous explique. La torture du collier électrique Conséquences dangereuses pour la santé Ne croyez pas les mensonges des revendeurs : les décharges électriques sont extrêmement douloureuses. Je parle en connaissance de cause. J’ai eu l’occasion d’avoir un collier électrique entre les mains. La puissance était de 1 à 100. J’ai testé le niveau 1 : on ressent un faible picotement. J’ai donc augmenté progressivement la puissance de l’électrochoc. Je n’ai pas pu aller au-dessus de 20, la douleur devenait insupportable. Et je n’en étais qu’à un cinquième. J’ai déjà vu des chiens se faire électrifier au point d’en tomber par terre. Contractions musculaires ; plaies au cou ; diarrhée, tremblements, accélération de la respiration et du rythme cardiaque liés au stress. Pire : il arrive que les colliers soient défectueux. Parfois, avec la chaleur, l’humidité, ou les changements de température, les décharges électriques s’activent en continu. Il existe des chiens, qui pendant des heures entières, ont subi les électrochocs de leurs colliers. Certains en meurent. Les séquelles psychologiques Le chien soumis au collier électrique subit deux choses :

Il ne sait jamais à quel moment, ou pour quelles raisons, il subit une décharge.
Il n’a aucun moyen d’y échapper.

Il vit donc dans l’angoisse constante de se faire électrifier, pour une raison qui lui échappe et sans moyen de faire cesser cette torture. Je vous laisse imaginer le niveau de stress qu’il subit. Justement, une étude¹ menée aux Pays-Bas dévoile le niveau de stress intense subi par les chiens électrifiés. Plus inquiétant, ils assimilent le collier aux ordres de leur maître. Ainsi, même en dehors du contexte de l’éducation, ils affichent des signes de stress à chaque interaction avec leurs maîtres. Quoi de pire pour briser votre lien de confiance ? Conséquences comportementales : le collier électrique rend le chien agressif Les dresseurs violents rétorqueront : « oui, mais au moins il y a des résultats ! ». Parfois, oui — mais les mêmes résultats sont facilement atteignables avec une méthode non violente. Je vous en parle juste après. Ce que ces dresseurs vous cachent, c’est que le chien électrocuté fait souvent une « association négative ». Exemple : Scoubidou court partout dans la forêt. Il entend vaguement son maître l’appeler, mais il est hors de vue. Scoubidou n’a jamais vraiment appris à revenir au pied quand son maître l’appelle. Il sent son collier vibrer, mais il ne comprend pas pourquoi. Il continue donc à vagabonder en toute innocence. Tiens, voilà deux enfants qui l’approchent ! Chouette, il a envie de leur dire bonjour. Il va les renifler, et BAM ! Scoubidou ressent immédiatement une douleur insurmontable. Que se passe-t-il dans la tête de Scoubidou ? « Des enfants m’approchent. Je souffre. Les enfants sont dangereux ». Comment va-t-il réagir la prochaine fois qu’il croisera un petit, haut comme trois pommes ? Je vous laisse deviner. Ces associations négatives peuvent se faire avec tout et n’importe quoi. Le chien ne comprend pas pourquoi il souffre. Il peut penser que c’est à cause d’un chien qui le renifle ; d’un humain qui passe par là ; d’un sac plastique qui s’envole… Tout peut alors devenir source de stress – et d’agression. D’ailleurs, j’ai eu l’occasion d’en parler avec un ami vétérinaire comportementaliste. Il a connu un cas où les maîtres mettaient un collier électrique à leur chien, qui errait librement aux alentours de leur maison. Pour le faire rentrer, ils appuyaient sur la télécommande. En quelques semaines, le chien s’est mis à mordre les personnes à proximité de sa demeure. Pour lui, c’était elles les responsables de sa souffrance. L’hypocrisie de la législation française Arrêté du 3 avril 2014, Annexe II Section 2 Chapitre VI premier paragraphe : « L’exercice des activités d’éducation, de dressage ou de présentation au public dans des conditions et avec méthodes ou accessoires pouvant occasionner des blessures, des souffrances, du stress ou de la peur est interdit ». Comment les colliers électriques sont-ils encore en vente libre, alors que même les éducateurs canins ont l’interdiction de les utiliser ? En plus d’être cruels et dangereux, ils sont en totale contradiction avec notre législation ! Au Québec, Pays de Galles, en Finlande, Norvège et Suède, cet outil de torture est interdit depuis longtemps. Et que font les autorités françaises ? On se le demande. Les trois principes d’un rappel infaillible Le pire dans tout ça, c’est qu’il y a une méthode fiable et douce pour enseigner le rappel. Le collier électrique n’est pas un outil miracle. Il n’est même pas efficace. Voici les trois piliers d’une méthode respectueuse pour que votre chien ait un rappel infaillible. Les deux premiers sont connus — le troisième vous surprendra ! Donnez-lui de la liberté ! Beaucoup de maîtres appellent leur chien toutes les 30 secondes en promenade — et pour aucune raison apparente. « Kiki, viens ici ! — T’es où Kiki ? — Kiki, au pied ! — Kiki, qu’est-ce que tu fais ? » Sauf que Kiki, il aimerait bien profiter de sa promenade. Il ne voit aucun intérêt à revenir voir son maître. En plus, l’ordre n’est pas clair — les mots ne sont jamais les mêmes. Résultat : Kiki prend l’habitude d’ignorer son maître quand il lui parle. Premier conseil : commencez par donner de la liberté à votre chien ! Certes, en ville, c’est compliqué. Mais une fois par jour, rendez-vous dans un parc fermé. Un bois. À la campagne. Quelque part où vous pourrez lâcher votre chien. D’une part, il pourra se défouler. Il évacue son trop-plein d’énergie, et est ainsi plus enclin à revenir vers vous quand vous l’appelez. D’autre part, vous pourrez travailler ce que les éducateurs canins appellent le suivi naturel. Le principe : vous pouvez faire votre balade tranquillement, sans même appeler votre chien. Vous verrez, il vous suivra — de près ou de loin. Cela marche systématiquement — à condition d’avoir un fort lien de confiance. Votre chien n’est pas bête — il sait qu’il dépend de vous pour se nourrir, pour retrouver son panier, pour avoir des caresses. Même s’il a l’air de vagabonder sans vous prêter attention, il vous garde à l’œil. Je promène toujours mes chiens ainsi quand je suis à la campagne. Souvent, je les perds de vue – mais eux savent toujours où je suis. Je n’en ai jamais perdu un. Au moment de sauter dans la voiture pour rentrer à la maison, ils répondent tous présents ! Motivez votre chien ! Trop souvent, j’entends les maîtres appeler leur chien ainsi : « Kiki, viens ! Aller Kiki ! KIKI AU PIED ! » - avec un ton de plus en plus agressif et énervé. Kiki n’est pas bête. Il connait ce ton — son maître lui parle ainsi avant de lui mettre une fessée. Hors de question de revenir au pied dans ces conditions ! La règle d’or d’un bon rappel : appelez toujours votre chien d’un ton enjoué ; donnez-lui une récompense appropriée. Par exemple, si votre chien vous obéit alors qu’il est sur la piste d’un lapin, récompensez-le avec les meilleures friandises de votre poche ! Un rappel « approximatif », et un rappel d’urgence Quand vous donnez un ordre à votre chien et qu’il n’y répond pas, cet ordre perd de la valeur. Médor prend l’habitude d’obéir de manière occasionnelle. Admettons qu’il revienne au pied une fois sur deux. Médor comprend que « au pied » signifie : « reviens si tu n’as rien de mieux à faire. » Comment y remédier ? Mon secret : j’ai deux types de rappel. Le rappel de tous les jours — où j’accepte que mes chiens reviennent « à peu près » au pied. Par exemple, si Pénélope est en train de renifler quelque chose, mais je veux qu’elle continue sa route. Ou si je change de direction, et souhaite que mes chiens sachent quel chemin prendre. Libre à vous de choisir les mots que vous posez sur cet ordre — « Aller viens ! » ; « On y va ! »… Deuxième rappel : le rappel d’urgence. Je l’utilise quand l’un d’entre eux s’apprête à traverser une route ; si Maki croise un chien qui montre des signes d’agressivité ; bref : mes chiens doivent venir immédiatement à mes pieds. Sa méthode d’apprentissage est plus complexe que le rappel de tous les jours. D’abord, les mots que je pose sur cet ordre doivent être très reconnaissables. Pour ma part, j’utilise un sifflet. Pour un chien, un sifflement est plus facile à discerner qu’une suite de mots. Ensuite, il faut mettre son chien en situation de réussite. Je ne veux surtout pas que mon rappel d’urgence perde de la valeur. À chaque fois que je donne l’ordre, Médor doit revenir au pied. Au début de l’apprentissage, je siffle uniquement quand je suis certain que mon chien va m’obéir. Les premiers jours, je siffle quand je donne la ration de croquettes. Très vite, Pénélope, Maki et Merlin associent le sifflement avec quelque chose de très positif. Puis, je siffle à la maison, des dizaines de fois par jour, en récompensant systématiquement avec de très bonnes friandises. Mes chiens viennent au pied systématiquement, car l’exercice est facile. Je corse ensuite l’entraînement – mais de façon très progressive. Je siffle en extérieur, avec mon chien en longe. Le but est que le chien n’échoue jamais. Si vous pensez qu’il risque de ne pas vous obéir, ne sifflez pas ! Vous feriez perdre de la valeur à votre rappel d’urgence. Votre chien prendrait l’habitude de n’obéir qu’occasionnellement. Je ne vous le cache pas. Ce travail prend énormément de temps. Il faut siffler des dizaines de fois par jour, pendant plusieurs semaines. Mais les résultats sont incroyables. Après maintes répétitions, venir au pied à l’entente du sifflement devient un réflexe pour le chien. En d’autres termes : il ne réfléchit même plus à ce qu’il fait. Ça vient tout naturellement. C’est comme ça qu’on réussit à faire revenir un chien qui course un lapin ; qui fouille les poubelles du parc ; qui joue avec ses copains. Certes, cette méthode demande plus de travail, de patience et d’investissement qu’appuyer sur la télécommande d’un collier électrique. Mais nos chiens valent bien cette peine !

Article rédigé par Claude Lefevre - propriétaire de chien aguerri.

¹« Training dogs with help of the shock collar: short and long term behavioural effects Matthijs B.H. Schilder a,b,∗, Joanne A.M. van der Borg a a Department of Clinical Sciences of Companion Animals, University of Utrecht, Utrecht, The Netherlands b Department of Ethology and Socio-Ecology, University of Utrecht, Utrecht, Pays-Bas, 23 octobre 2013 - http://eldri.ust.is/media/ljosmyndir/dyralif/Trainingdogswithshockcollar.pdf

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