Blog - Chien et Société
L’enfer des salons du chiot
Il y a un sujet qui fait débat et qui, personnellement, me révolte : l'industrie du salon du chiot. Avec la rentrée, nous entrons dans une période où de nombreuses expositions et de nombreux salons vont avoir lieu, dont ceux des salons de l’animal de compagnie, plus particulièrement, les salons du chiot. Pourquoi les salons du chiot sont-ils si mauvais ? Réglisse, acheté compulsivement sur un salon Tout commence en 2017. Marie décide avec son conjoint de se rendre dans un salon du chiot. Ils ont effectivement pour projet d’adopter un chien, mais dans l’idée, ce n’est pas pour tout de suite. Dans une démarche jusqu’alors responsable, ils souhaitent simplement se rendre dans ce salon pour avoir plus d’informations auprès d’éleveurs afin de savoir quel chien leur conviendrait le mieux. Arrivés sur place, c’est non loin d’une centaine de chiots qui sont exposés, les uns sur les autres. Des cages d'à peine 1 mètre sur 2, avec 6 chiots dans chacune d’entre elles… Dès le départ, en voyant cela, j’ai du mal à imaginer que ce genre de salon prenne en compte le bien-être du chien… Marie fait donc le tour du salon, et se rapproche d’un éleveur qui a plusieurs types de chiens, dont des Bergers Australiens. Fan de cette race depuis toute petite, elle souhaite se renseigner sur la compatibilité entre son quotidien et ce type de chien. Des techniques commerciales bien rodées En règle générale, les salons du chiot sont considérés comme un espace de vente - un peu comme un marché - où il faut écouler le plus de “marchandise” possible. Certains éleveurs peu scrupuleux n’hésitent pas à ruser d’astuce pour vous vendre leurs chiens. Arrivés devant le stand, Marie et son compagnon sont de suite pris d’assaut par l’éleveur. Voyant que Marie s’intéresse au dernier berger australien qu’il lui reste, ni une ni deux, il s’empare du chiot et le met dans les bras de Marie. 1ère technique commerciale : vous mettre le chiot dans les bras, pour que vous vous y attachiez. Marie a instantanément eu un coup de cœur pour ce chiot. Après tout, c’est la race dont elle rêve depuis qu’elle est toute petite, cette boule de poils a à peine trois mois et lui lèche déjà le visage… À peine 30 secondes plus tard, l’éleveur lui arrache le chiot des bras, le remet dans l’enclos et lui dit : “C’est le dernier chiot qu’il me reste de cette race, et il y a déjà deux autres couples qui réfléchissent. Si j’étais vous, je ne trainerais pas !” 2ème technique commerciale : jouer sur l’urgence. Ça y est, vous avez eu le coup de cœur, l’impression que le courant est bien passé entre vous et le petit animal, et on vous dit que vous ne l’aurez peut-être pas. Marie, complètement déboussolée, essaie de se renseigner. Après tout, c’est pour cela qu’elle était venue à la base. L’éleveur écoute à peine ses questions, et lui dit que, bien évidemment, c’est le chien qu’il lui faut. 3ème technique commerciale : vous faire croire que le chien en question est totalement adapté à votre mode de vie, même si ce n’est pas vrai. “Vous vivez en appartement et travaillez 8h par jour ? Pas de problème, le Berger Australien est indépendant, tant que vous le faites courir en rentrant du travail, ce n’est pas un souci…” Toutes les questions que Marie se pose sont minimisées pour la pousser à l’achat. Mais Marie se retrouve encore plus déboussolée quand l’éleveur lui dit : “C’est le dernier de la portée, ses frères et sœurs sont tous partis en très peu de temps… Mais lui, il est un peu plus petit que les autres, alors il ne peut pas être confirmé au LOF. Si vous le prenez, on peut revoir son prix !” 4ème technique commerciale : une fois avoir tourné la vente à son avantage, on joue sur le prix. À ce stade, l’éleveur propose à Marie de reprendre le chiot dans ses bras, et lui annonce que son prix sera baissé de 300€. Sous le coup de l’émotion, et la manipulation s’étant tellement bien opérée, Marie craque, et se retrouve à compléter des papiers pour l’achat du chiot.
C’est à cet instant que les ennuis commencent Voilà, Marie est (l’heureuse ?) propriétaire de Réglisse, un jeune berger australien. Seulement, les jours passent et Réglisse est loin d’être en grande forme. Marie se rend chez son vétérinaire pour les contrôles de base lorsque l’on vient d’acquérir un chiot, et là, le verdict est sans appel. Réglisse est en sous-poids et, en plus de ça, il a contracté la toux du chenil. (L’éleveur ayant pourtant certifié qu’il avait été vacciné.) Lors d’un salon du chiot, les animaux ont le plus de chances de contracter des maladies comme la toux du chenil, la parvovirose etc… En effet, comme ils peuvent être portés et caressés comme des peluches par tout le monde, il n’est pas étonnant que des maladies se transmettent… Réglisse est donc traité contre cette maladie, il arrive à être soigné, mais cependant, la prise de poids est difficile. Les semaines passent, et Marie constate, en plus, une boiterie au niveau du train arrière de son chiot. Une autre visite chez le vétérinaire, des radios sont effectuées et il s’avère que Réglisse est atteint de dysplasie hanche et coude, visiblement à caractère héréditaire. Marie tente de contacter l’éleveur, à maintes reprises, sans succès, ou bien, quand il daigne répondre, elle se fait envoyer sur les roses. L’opération est inévitable pour Réglisse s’il souhaite avoir une vie de chien normal. Seulement, ce genre d’opération est coûteuse, est lorsque la tare est héréditaire, l’éleveur est supposé prendre en charge une partie de l’opération. L’éleveur étant peu scrupuleux, le seul arrangement qu’il propose à Marie est l’échange de chien - c’est choquant, mais ce genre de pratique existe bel et bien. Le chiot n’est alors vu que comme un jouet avec une garantie “satisfait ou échangé”... Marie, étant très attachée à son chiot, a préféré prendre en charge l’opération, et a décidé de ne plus entrer en contact avec l’éleveur, bien trop malhonnête pour elle. Les mois passent, Réglisse se fait opérer, il fait de la rééducation, les frais s’accumulent. Marie, bien qu’elle aime par-dessus tout son chiot, se demande si elle a fait le bon choix, elle commence à regretter cet achat “compulsif” et se rend compte de la manipulation commerciale dont elle a été victime. Ce genre de réflexion est tout à fait normal après tant d’épreuves traversées. C’est malheureusement dans ce type de situation que certains propriétaires baissent les bras et décident de confier leur chien à des refuges. Les années ont passé, et aujourd’hui, Réglisse va bien, même si c’est un chien très sensible : victime d’allergies, de troubles digestifs à répétition… Marie a dû changer tout son quotidien pour pouvoir s’occuper au mieux de son loulou, mais à l’heure actuelle, elle est contente du chemin qu’ils ont accompli.
Malheureusement, Réglisse n’est pas un cas isolé Lorsque Marie m’a fait part de l’histoire de Réglisse, j’ai décidé de me renseigner sur ce genre de pratique, sur les salons du chiot en général, et quelle ne fut pas ma surprise… Des histoires comme celle de Marie, il en existe des tonnes. Entre les propriétaires qui, une fois chez eux, se rendent compte que leur chien a une puce électronique identifiée dans les pays de l’Est - alors que l’éleveur leur a assuré que le chiot était français, ou les propriétaires qui se retrouvent avec des chiots qui enchaînent maladies sur maladies… Les arnaques sont nombreuses. Les salons du chiot : l’endroit idéal pour financer les élevages usine Comme je vous le disais, les salons du chiot sont avant tout considérés comme des lieux de profits : l’entrée est payante, les chiots sont à vendre à des prix exorbitants et les visiteurs sont très fortement incités … Les bons éleveurs ne vont pas au salon du chiot, et pour 2 raisons. D'abord, parce que leur sérieux et leur réputation leur permet de faire adopter leurs chiots sans passer par un salon. Ils n'ont pas besoin de ce genre de techniques commerciales. Ensuite, parce que exposer à un salon coûte cher. Pour financier cette opération, ces éleveurs doivent vendre un maximum de chiots. Résultat : ils laissent n'importe qui acheter leurs animaux, pourvu qu'ils payent. Le meilleur conseil que je puisse vous donner : Ne vous rendez pas aux salons du chiot ! Si vous avez pour projet d'acquérir un chiot, rendez vous directement dans les élevages, ou dans des refuges, où vous pourrez constater par vous même des conditions de vie de votre futur chiot. Voici quelques critères à prendre en compte, pour vous assurer que vous n’êtes pas dans un “élevage usine”, et ainsi être sûr de ne pas financer le commerce d’animaux maltraités :
- Le lieu de l’élevage est-il propre et bien entretenu ? Idéalement, les chiots doivent être élevés dans un milieu domestique. S’il s’agit d’un chenil, il doit être exempt de toute saleté et doit être suffisamment confortable.
- Les parents sont-ils visibles sur place ? Si l’éleveur vous dit que les parents ne sont pas visibles : partez. Le minimum est de pouvoir rencontrer la mère. Son comportement en dira long sur le type d’élevage dans lequel vous vous trouvez : si elle est fatiguée, craintive, voire agressive avec ses propres chiots, changez d’endroit. Il doit s’agir d’une chienne utilisée pour de la reproduction massive.
- Y a-t-il plusieurs races proposées à l’achat ? Si l’élevage dans lequel vous vous situez propose un nombre important de races différentes, cela peut éveiller vos soupçons. Si en plus de cela, aucun des parents n’est visible, cela en dit long sur la manière de travailler de cet élevage.
- Le chiot semble-t-il propre, en bonne santé et suffisamment âgé pour être adopté ? Si le chiot qui est en face de vous est sale, amaigri et à moins de 8 semaines, fuyez cet élevage.
- L’éleveur vous questionne-t-il sur votre mode de vie ? S’il ne le fait pas, il y a fort à parier que le bien être de ces chiens l’importe peu. Un éleveur honnête et attaché à ses chiens fera en sorte de les placer dans des familles qui leur correspondent.
- L’élevage est-il inscrit à la Société Centrale Canine ? Même si ce n’est pas un critère suffisant, vous avez tout de même la garantie d’avoir un chien au ‘LOF’. Je ne dis pas ça pour le prestige, ou pour l’aspect ‘à la mode’, mais surtout parce que les chiens inscrits au LOF ont des gènes « sains ».
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