Blog - Comportement

L’histoire de Takoon, pris au piège de la monoactivité

Publié le 25 Novembre 2020
L’histoire de Takoon, pris au piège de la monoactivité

 Takoon est un gros labrador sable de 2 ans. Son maître, Dominique, suit des cours d’éducation avec Sara - notre éducateur canin chez Chien Vie et Santé. C’est elle qui m’a raconté cette histoire. 

Takoon est terriblement hyperactif. Il ne tient pas en place à la maison ; il tire tout le temps sur sa laisse… Dominique, lui, n’est pas un grand sportif. Alors pour dépenser son chien, il l’emmène tous les jours au square à côté de chez lui, et fait du lancer de balle. 

Takoon adore ça. Dès que Dominique sort la balle, il devient fou. Il aboie. Il lui saute dessus. Parfois, sous l’excitation, il lui mord les avant-bras – dans l’attente qu’il jette enfin la balle. 

Puis un jour, le petit-fils de Dominique a voulu prendre la balle. Takoon, sans vouloir être méchant, s’est précipité sur lui. Surexcité, il l’a bousculé, et s’est jeté sur lui pour jouer. Heureusement, le petit garçon a eu plus de peur que de mal – mais Dominique a réalisé qu’il était temps de se faire aider. 

Comme 90% des chiens, Takoon ne se dépense pas correctement. 

Les journées de Takoon sont bien tristes. Il attend sa demi-heure de lancer de balle toute la journée, en faisant des allers-retours entre son panier et la porte du jardin. 

Au moment de sortir, la tension est à son comble : Takoon a enfin un peu d’attention de la part de son maître. Il effectue enfin une activité qui lui apporte du plaisir ! 

Takoon apprécie ce lancer de balle quotidien. Alors où est le problème ? 

Un chien a besoin de dépenser son capital énergie de la journée. À l’origine, ce capital énergie est prévu pour une multitude de tâches : 

  • Parcourir de longues distances à la recherche de nourriture ; 
  • La pister à l’aide de son flair ; 
  • La chasser avec ses congénères pour obtenir son repas ; 
  • Surveiller et défendre son territoire, sa famille ; 
  • Entretenir des liens sociaux, se reproduire. 

Tous ses sens sont mobilisés. À l’état sauvage, le chien se dépense physiquement, et aussi mentalement. C’est ce qu’on appelle des activités cognitives. 

Que propose Dominique à son chien ? Courir bêtement après une balle. Encore, et encore, et encore. 

Je ne dis pas que les jeux de balle sont mauvais pour le chien. Au contraire, bien encadrés et réfléchis, ils peuvent être une excellente occupation. 

Dans cette lettre, je dénonce plutôt les dangers de la ‘mono-activité’. 

Dépenser son chien d’une seule manière, c’est l’abrutir.  

Toutes les activités ne se valent pas en termes de bénéfices. Certaines, comme une promenade en liberté, dans la nature, et avec des congénères, mobiliseront tous les sens de votre chien. Elles travailleront sa force physique, comme cognitive. 

On l’oublie souvent, mais en termes de dépenses énergétiques, l'activité cognitive est bien plus énergivore que l'activité physique. 

Pensez-y si vous souhaitez dépenser votre chien hyperactif. 

Les sports canins apparaissent, à tort, comme LA solution pour dépenser ce capital énergie. Le canicross, où votre chien vous tracte lors de votre footing. Le cani-VTT, où votre chien court à côté de votre vélo. 

Oui, ce sont de bons sports pour dépenser votre chien physiquement. 

Non, ils ne sont pas suffisants pour combler sa dépense énergique – d’autant plus que l'entraînement physique augmente l'endurance. 

Un chien qui se dépense uniquement en tirant sur sa longe ; uniquement en courant après une balle ; uniquement en sautant des obstacles… Ne travaille finalement qu’une seule de ses nombreuses aptitudes. 

Imaginez occuper vos journées, vous dépenser, en faisant une seule activité, et rien d’autre. Vous deviendriez fou, non ? Ne proposer qu’une seule activité à votre chien, c’est comparable à : 

  • Ne lire qu’un seul livre, jusqu’à la fin de votre vie 
  • Sortir de chez vous uniquement pour courir, sans jamais parler à d’autres personnes 
  • Occuper toutes vos journées en ne jouant qu’à un seul jeu de société, toujours contre la même personne… 

 Vous voyez où je veux en venir. 

Les dangers de la poursuite de balle  

Je vais utiliser l’exemple de Takoon, dont l’activité principale est la poursuite de la balle. Néanmoins, sachez que la même logique s’applique à tous les chiens ne pratiquant qu’une seule activité. Que ce soit les jeux de balle, le canicross, ou même les activités qui échappent à notre contrôle – comme le chien qui passe sa journée enfermé dans le jardin et dont la seule occupation est d’aboyer après les passants. 

Toutes ces activités ont la particularité d’être hautement excitables. Le chien donne l’impression de les adorer, car à chaque occasion il est extatique. C’est probablement pour cela que le jeu de la balle est une activité pratiquée par un nombre incalculable de chiens. 

La poursuite de la balle fait travailler les mêmes mécanismes que pour la prédation. Repérage ; course-poursuite : saisie ; rapport, et partage éventuel. 

Or, cette activité est loin de satisfaire tous les besoins à elle seule. Contrairement à un chien qui chasse, celui qui poursuit une balle ne réfléchit pas. Il réitère toujours les mêmes mouvements, le même mécanisme. Surtout, elle entretient l'excitabilité sur le mouvement. Plus il court après sa balle, plus il est énervé. On ne le fatigue plus. 

Si le chien ne s’adonne qu'à cette monoactivité, cela crée des frustrations. 

La science derrière la monoactivité : une dépendance similaire à celle de la drogue 

Quand le chien produit une activité qui lui est agréable – ex. attraper une balle en plein vol (ou pour certains, un lapin en pleine course), le cerveau libère de la dopamine. Cette hormone apporte un réel confort intérieur. 

À force de répéter ce comportement, et d’être gratifié de dopamine à chaque fois qu’il attrape la balle, votre chien mémorise ce processus. Il crée une ‘autoroute neuronale. C’est-à-dire qu’à l’avenir, la production de dopamine se créera presque automatiquement – à chaque fois qu’une balle roule au sol ; ou que votre chien repère un stimulus similaire, comme un chat qui s’enfuit. 

Car oui : courir après une balle fait travailler les automatismes de la prédation. On appelle cela des « patrons moteurs ». 

Le souci avec les activités en lien avec la survie de l’espèce (comme la prédation), est que ce processus s’accompagne d’une forte libération d’adrénaline. C’est parce que l'adrénaline a pour effet de rendre le chien plus performant dans ses comportements de chasse, de protection et de reproduction. 

En effet, l’adrénaline : 

  • Accélère le rythme cardiaque pour apporter de l’oxygène aux muscles ; 
  • Aiguise les sens ; 
  • Inhibe la production d’insuline 
  • Met en pause les organes les moins utiles pour mobiliser les muscles au maximum… Avec tous les soucis de santé qui s’accompagnent. 

Plus inquiétant encore : les pionniers du comportement canin ont observé une dépendance à certaines activités physiques, similaire à celle de la drogue. 

Concrètement, que se passe-t-il ? L’autoroute neuronale produisant de l’adrénaline et de la dopamine prend le dessus – dès que vous sortez la balle par exemple. Votre chien est surexcité. Cette autoroute agit comme un renforçateur addictogène, effaçant les émotions déplaisantes – comme le besoin de repos, le besoin affectif, le besoin de partage… Et oui, car ces autres besoins s’appuient sur d’autres chemins nerveux, qui sont complètement inhibés par la production d’adrénaline. 

Le chien est de plus en plus excité ; de moins en moins contrôlable ; et très frustré quand le jeu s’arrête. En rentrant à la maison, il est encore plus énervé qu’avant sa promenade. 

Enrichir le quotidien de son chien – c’est pourtant si simple ! 

Un chien équilibré est un chien qui se dépense en utilisant tous ses sens – physiques, et cognitifs. Un chien qui réfléchit. Qui utilise sa vue, son ouïe, son flair. 

La solution pour calmer un chien très actif est simple. Des promenades avec un maximum de libertés ; et surtout, inclure des activités cognitives dans sa journée. Des activités qui le font réfléchir. 

Hélas, cela suppose qu’on reconnaît au chien une forme d’intelligence ; un besoin de se creuser les méninges. Or, cette conception du chien se heurte à des préjugés bien ancrés. Peu de personnes perçoivent ce besoin chez leur chien. 

Dans ma prochaine lettre, je vous dévoilerai un excellent exemple d’activité cognitive à pratiquer avec votre chien : la recherche d’objet personnel. J’ai eu l’occasion de participer à un atelier pour enseigner cette nouvelle activité à Merlin – il s’y donne à cœur joie. Elle lui permet de se dépenser grâce à son flair, tout en restant calme et concentré. 

D’ici là, variez au maximum les activités avec votre chien. Privilégiez celles où il réfléchit ; où tous ses sens sont stimulés. Parfois, c’est aussi simple qu’une promenade bucolique avec des copains ! 

En parlant de promenade bucolique, c’est l’heure de la sortie de Pénélope, Maki et Merlin ! Je vous laisse sur ces belles paroles. 

PS : Il est possible de rendre la poursuite de balle plus enrichissante, en la ponctuant de divers exercices où le chien réfléchit. Par exemple, entre chaque lancer, demandez à votre chien un nouveau tour – comme aboyer sur commande, rouler sur lui-même… Cachez parfois la balle, au lieu de la lancer, et demandez à votre chien de la retrouver grâce à son flair. Faites des pauses où vous vous promenez… Et voilà, l’activité devient plus intelligente, et moins abrutissante ! 

 

Cet article vous a plu ? Partagez-le :

Aucun commentaire

Poster un commentaire
Ajouter un commentaire
Répondre
Répondre

Copyright © CHIEN VIE ET SANTÉ 2019 - 2024. Tous droits réservés.

Site réalisé par l'agence Developr.
visa mastercard paypal apple pay google pay
  • En stock