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Un chien qui souffre, ça se vend mieux

Publié le 29 Octobre 2019
Un chien qui souffre, ça se vend mieux
  C’est la triste réalité. Les museaux écrasés ; les têtes plissées ; les yeux globuleux… font le succès de beaucoup de races de chiens. C’est aussi à cause de ces morphologies exagérées que ces mêmes races courent à leur perte. Danny, le Pékinois champion de la Cruft, reçoit son prix sur des glaçons La Cruft est la plus grande exposition canine au monde. Elle se déroule chaque année en Angleterre – des milliers de chiens y participent. En 2003, le champion toutes catégories s’appelle Danny. C’est à l’époque un jeune pékinois. Danny a remporté le prix ‘grâce’ à son museau écrasé. C’est aussi ‘grâce’ à lui qu’il a été opéré du voile du palais, quelques mois avant le concours. Danny n’arrivait pas à respirer correctement – mais peu importe, il est tellement mignon ! Le jour du concours, sous les projecteurs, et dans la salle surchauffée, Danny a du mal à respirer. Comme beaucoup de ses congénères brachycéphales, il souffre d’hyperthermie. Au moment de recevoir son prix, Danny doit être placé sur des glaçons pour pouvoir continuer à respirer. Cela vous semble ridicule ? Cruel ? Incompréhensible ? Mais un chien qui souffre, c’est tellement mignon ! Voilà le vrai visage de l’élevage déraisonné ! C’est un vrai phénomène de mode.
  • Plus vos bouledogues ont le museau aplati, et mieux ils se vendent.
  • Plus vos Bergers Allemand ont les hanches affaissées, et meilleures seront ses chances de gagner en concours.
  • Plus votre Sharpei aura de plis, et plus vous le vendrez cher.
  • Plus votre Cocker aura des oreilles longues, et plus il récoltera de « j’aime » sur Instagram.
Voici seulement quelques exemples des chiens victimes de l’hypertype. Les vétérinaires définissent l’hypertype comme « une exagération morphologique qui met l'animal dans l'inconfort ou la souffrance »¹. Car oui, derrière ces phénomènes de mode se cache une réelle souffrance. En écrasant les museaux, allongeant les oreilles, multipliant les plis de la peau, les éleveurs sont coupables de maltraitance programmée. Voici quelques exemples des races de chiens qui souffrent le plus de l’élevage cupide et déraisonné : Le Bulldog anglais Sans doute le chien qui souffre le plus de ce phénomène de mode ridicule. Selon la revue vétérinaire DVM 360 : « Ils ne peuvent pas passer par les canaux de naissance de leur mère, ils sont atteints de graves problèmes respiratoires parce qu'ils sont brachycéphales. Ils meurent à un âge moyen d'un peu plus de 8 ans ». La liste est longue.
  • Leurs jambes écartées et leur poitrine plate mène à des troubles squelettiques – dysplasie des hanches, des coudes, douleurs sur la colonne vertébrale.
  • Problèmes dentaires et respiratoires à cause de leur museau écrasé – l’air doit passer à travers un dédale de tunnels étroit avant d’arriver jusqu’à leurs poumons. Chaque inspiration demande un effort considérable. C’est notamment la cause des nombreux problèmes cardiaques et immunitaires.
  • Les plis sur le visage sont responsables d’infestions cutanées et oculaires
Pas étonnant que le bulldog soit le deuxième chien victime de décès chez le chiot. Le Sharpei Les plis de la peau du Sharpei ont garanti le succès de cette race. C’est aussi eux qui l’ont condamné à des problèmes de peau à répétition. Ci-dessous un Sharpei hypertypé, qui peine à se rétablir d’une galle démodectique : Le Mâtin Napolitain Aucun doute. Les Mâtins Napolitains les plus récompensés en concours sont ceux avec la tête la plus lourde et la plus plissée. Et peu importe si cela s’accompagne de :
  • Problèmes oculaires (entropion, prolapsus de la glande nictitante…)
  • Affections dermatologiques
  • Dysplasie des hanches à cause de leur taille disproportionnée (on cherche à faire des chiens ‘géants’)
  • Problèmes cardiaques
  • Douleurs vertébrales pour porter leur lourde tête…
Je m’arrête là, mais nous pourrions également mentionner : Le Cavalier King Charles, dont les yeux globuleux sont responsables d’infections oculaires régulières, et les oreilles pendantes souvent victimes d’otites ; Le Carlin, dont la queue en tire-bouchon le fait souffrir quotidiennement de problèmes de dos, et qui lutte à chaque inspiration à cause de son museau écrasé ; Les Teckels et Bassets, qui souffrent de maux de dos terribles à cause de leurs pattes très courtes et leur dos très long… Des reproductions forcées entre père et fille Pour atteindre l’extrême, les pires éleveurs n’hésitent pas à recourir à la consanguinité. Prenons l’exemple (fictif) de Bertrand, reproducteur de Terre-Neuve. Son grand champion est énorme – 78kg. Sa femelle reproductrice, très grande elle aussi (55kg), fait une portée de 6 chiots (dont 2 mort-nés – normal, ils sont trop gros pour la maman, mais c’est une perte que Bertrand rentabilisera facilement). Un des chiots, une femelle, est prometteuse – à 11 mois elle fait déjà 60kg. Un record dans son élevage ! Bertrand ne perd pas de temps : dès ses premières chaleurs, elle la fait s’accoupler avec son père – pour ainsi garantir des chiens de plus en plus grands. Ces pratiques me dégoûtent au plus profond de moi-même. On m’accusera de faire de l’anthropomorphisme – mais le problème de la consanguinité va même au-delà de l’éthique. Les chiots consanguins développent souvent de lourds troubles du comportement. Il n’est pas rare d’avoir des chiens d’élevage complètement toqués, agressifs, incapables de communiquer… L’appauvrissement génétique mène également à de lourds problèmes de santé – luxations patellaire, ostéochondrose, allergies, et j’en passe. Mais peu importe, du moment que les chiots se vendent et remportent des concours… Les Bergers Allemands, Bouledogues, Teckels et co. sont-ils condamnés ? Pas nécessairement. L’ordre national des vétérinaires a tiré la sonnette d’alarme – et la Société Centrale Canine (SCC) a plus ou moins réagit. C’est la SCC qui organise les concours canins. C’est aussi elle qui décide des critères pour qu’un chien soit inscrit au LOF. Les standards de race ont été revus. Désormais, en concours, un chien hypertypé est automatiquement déclassé. Un chien déclassé du LOF vaut moins cher qu’un chien qui respecte les critères de « conformité ». On s’en prend au porte-monnaie des éleveurs – et ça marche. Par exemple, aujourd’hui, le Sharpei ne peut être confirmé s’il a des bourrelets de peau sur les jarrets. La tête du bulldog anglais est passée de « massive » à « forte ». Chez le basset hound, la peau doit être « souple et élastique sans exagération ». Il y a du progrès – mais certaines races attendent encore. Le Berger Allemand souffre encore de problèmes de hanches. Les Bouledogues ne savent toujours pas respirer correctement. Les Border Collie souffrent de leur excès de fourrure. Acheter un animal destiné à souffrir, c’est soutenir la maltraitance programmée. Continuons à sensibiliser les futurs adoptants sur la folie des chiens « à la mode ». Ne vous laissez pas berner par les vidéos « adorables » de chiots qui trébuchent sur leurs oreilles. Par les photos rigolotes de Carlins en surpoids. Par le charme des teckels toujours plus longs. Derrière se cache une courte vie remplie de souffrances. Oui, il existe de bons éleveurs, dont les chiens sont en bonne santé. Renseignez-vous avant d’acheter un chien. Ou mieux, adoptez un petit croisé… Les associations de protection animale en regorgent !

Claude Lefevre

  ¹ Dépêche vétérinaire https://web.archive.org/web/20150110004818/http://www.cfpli.com/index_htm_files/DEPECHE%20VETERINAIRE%20HYPERTYPE.pdf

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