“J’ai peur de devenir dépendant de la friandise”

Parmi les vieux adages de l’éducation traditionnelle, un qui revient toujours est : « On n’attache pas son chien avec des saucisses ». Sous-entendu : on n’achète pas la fidélité de son chien en le matraquant de friandises. Soit. Connaissez-vous ma voisine Mamie-Gâteau ? J’en ai parlé dans une de mes anciennes lettres. Mamie-Gâteau (Myriam, de son vrai prénom) est une dame que je croise souvent au parc. Ses poches sont pleines de friandises. Et à chaque fois, elle en donne à mes chiens. 2 bonbons chacun. Et croyez-moi : mes chiens lui vouent une adoration inconditionnelle. Ils peuvent être à l’autre bout du parc, occupés à renifler, courir après un chat ou manger des crottes : peu importe. Quand ils entendent la voix de Mamie Gâteau, ils se ruent vers elle pour la saluer. Alors si, n’en déplaise à certains : mes chiens, on les attache avec des saucisses. Et c’est très agréable pour tout le monde. Entre nous, je préfère attacher mon chien avec des friandises, qu’avec un collier étrangleur. Pas vous ? ? Car n’oublions pas : nos chiens sont de nature hédonistes et opportunistes. Nos chiens vivent pour se faire plaisir. On ne peut pas s’attendre à ce qu’ils nous obéissent « par amour inconditionnel ». « L’amour », c’est un concept très humain. Bien sûr, nos chiens nous « aiment ». Mais à leur manière. Si vous voulez que votre chien soit fidèle, il faut le MOTIVER. Pour certains, ce sera avec des jeux. Pour d’autres (c’est plus rare), avec de l’affection. Et pour une grande majorité, ce sera avec… des saucisses, du fromage, de la pâtée, bref : des friandises. Sommes-nous condamnés à dépendre des friandises ? La question est légitime : si la coopération du chien est conditionnée à la saucisse… Comment faire le jour où la pochette à friandises est vide ? Je vous rassure : même si la récompense est primordiale en éducation bienveillante, le but n’est pas de conditionner la réussite du chien à l’obtention d’une friandise. Voici 3 conseils pour utiliser la friandise intelligemment, sans en finir dépendant. Premier conseil : ne montrez jamais à votre chien la récompense AVANT qu’il ne réalise l’exercice.  C’est une erreur assez fréquente : on demande à son chien « assis » ; il n’écoute pas ; alors on sort la friandise pour capter son attention, et là, Miracle ! Le voilà attentif et sage comme une image. Sur le moment, c’est très pratique. Mais à long terme, on conditionne son chien à obéir uniquement quand il a la garantie d’une récompense visible. Et le jour où on n’en a pas… bon courage pour obtenir l’attention de Médor. Que faire à la place ? Gardez, le plus souvent possible, des friandises sur vous, non visibles. Dans votre poche ou votre pochette à friandises. Surtout, attendez que ton chien ait réussi l’exercice que vous lui demandez, avant de prendre la friandise. Votre main ne doit même pas s’approcher de votre poche tant que l’exercice n’est pas 100% fini. Vous pouvez utiliser un marqueur (comme le Clicker par exemple), pour avoir plus de précision, et que ton chien comprenne plus rapidement ce que tu attends de lui. Sara, notre éducatrice canine, montre comment faire dans une démonstration en vidéo, inclue dans la formation « La Boîte à Outils de l’Éducation Positive ». Vous pouvez la retrouver sur ce lien. Dans cette formation, il y a aussi un module avec les étapes, une par une, pour se passer progressivement de la friandise quand un exercice est acquis. Second Conseil : arrêtez les récompenses progressivement Vous avez (par exemple) réussi à apprendre le rappel à votre chien : bravo ! L’exercice est acquis, vous pouvez maintenant le promener sans votre pochette à friandises. Mais Médor n’est pas de cet avis. Il ne comprend pas pourquoi, du jour au lendemain, il n’est plus récompensé pour son beau rappel. Il se demande s’il a bien compris ou réussi l’exercice. Et, avec un arrêt soudain des récompenses, il perd sa motivation. Un chien démotivé, c’est un chien qui aura plus de difficulté à se montrer coopératif. Alors même quand l’exercice est acquis, continuez de récompenser, mais 2 fois sur 3. Puis une fois sur 2. Puis un tiers du temps, etc. Troisième conseil : Continue à récompenser aléatoirement, pour le plaisir ? Merlin connait l’exercice du rappel. Il y arrive depuis des années. Il n’empêche que, une fois de temps en temps, quand il revient au pied, je lui donne quand même une friandise. Après tout : même s’il connait l’exercice, c’est un gros sacrifice, pour lui, d’abandonner ses copains, la piste qu’il suivait, ou cette poubelle très alléchante, uniquement pour me faire plaisir. S’il n’est pas justement récompensé de temps à autre, il finira par se demander si finalement, il ne ferait pas mieux de m’ignorer. Après tout, qu’est-ce qu’il gagne à avoir un rappel irréprochable ? Alors pour maintenir sa motivation, ne vous privez pas de récompenser Médor quand vous avez une friandise sur vous. Même si c’est pour un exercice facile, qu’il maîtrise déjà. Petite parenthèse pour conclure : quelles friandises choisir ? Première chose : évitez de récompenser votre chien avec des croquettes. Vous pouvez le faire, par exemple, si vous lui demandez un exercice facile, comme un bête « assis » au milieu du salon. Mais la valeur de la récompense doit être à la hauteur de la difficulté de l’exercice. Et la croquette, ça n’a pas énormément de valeur. Normal : c’est tout sec, et la plupart des chiens en mangent à foison à chaque repas. Alors quand par exemple, je travaille la sociabilisation de Maki : je sais que j’ai beaucoup plus de chance de le détourner d’un congénère quand je travaille avec des saucisses, qu’avec de bêtes croquettes ! Croûtes de fromage, knackis, pâtée, poulet cuit… N’ayez pas peur de salir vos poches. Vous verrez que plus la friandise est appétante, plus la motivation de votre chien sera palpable. Question santé : évitez les friandises industrielles, type Biscrok. Elles sont très caloriques. Comme en éducation positive, on récompense beaucoup, vous risquez de finir avec un chien obèse. Privilégiez les friandises 100% viande, et idéalement, humides. De mon côté, je n’achète même pas des friandises pour chien, qui sont souvent très onéreuses. J’achète des knackis, que je coupe en minuscules morceaux (une seule saucisse me fait environ 40 friandises). C’est moins cher, peu calorique, mais très appétant (et donc motivant) pour mes chiens. Sur ce, je vous laisse avec un chien qui, j’espère, sera très motivé lors de sa prochaine séance d’éducation ? Amicalement, Claude Lefevre et mes 3 chiens, Pénélope, Maki et Merlin