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Troubles comportementaux : la faute aux vendeurs de chiens ?

Publié le 29 Avril 2020
Troubles comportementaux : la faute aux vendeurs de chiens ?

Soyons honnêtes.

Quand on éduque un chien, on ne part pas tous égaux.

Tous les chiens sont capables de progresser, c’est vrai.

Mais selon toute probabilité, vous aurez beaucoup plus de facilité :

  • avec un caniche abricot issu d’une lignée rigoureusement sélectionnée…
  • …qu’avec un Malinois acheté sur leboncoin, dont on ne connait rien des origines.

Car la génétique du chien joue un rôle déterminant dans son comportement.

Justement, aujourd’hui, de plus en plus de chiens souffrent de troubles comportementaux. C’en est presque devenu une normalité.

Sommes-nous devenus de mauvais éducateurs ?

Ou le problème est-il plus profond encore ?

Les éleveurs, qui sélectionnent la génétique de chaque race, sont-ils responsables ?

Les éleveurs ont un rôle clef dans le comportement des races.

L’éducation joue beaucoup – mais il y a un facteur déterminant, qu’il ne faut pas négliger dans le comportement du chien : la responsabilité de l’éleveur.

Les éleveurs jouent un rôle déterminant dans l’amélioration de la race. Mais que veut-on dire par « améliorer » ?

Certains réduisent cette « amélioration » aux critères physiques – avoir un beau chien, conforme aux critères imposés par le LOF (Livre des Origines Françaises). Avoir un chien « à la mode », avec un nez très écrasé, une taille minuscule, ou un dos le plus allongé possible.

Hélas, c’est oublier qu’améliorer une race, c’est avant tout :

  • Développer son potentiel de santé
  • Diminuer ses troubles du comportement.

C’est ça, la différence entre un éleveur responsable et vulgaire vendeur de chien.

L’éleveur va sélectionner soigneusement la génétique de ses chiots. Il ira jusqu’à trouver un reproducteur dans un autre pays, pour éviter la consanguinité, et faire des lignées saines.

Le vendeur de chiens, lui, n’hésitera pas à faire reproduire des mâles reproducteurs surexploités avec leurs propres filles – juste dans le but d’affiner un critère de beauté à la mode.

L’éleveur refuse de faire reproduire des chiens qui présentent des troubles de santé ou de comportement.

Le vendeur de chien n’a que faire du comportement de ses chiens reproducteurs. À vrai dire, il ne les connait à peine, puisqu’ils sortent rarement de leur chenil.

Je cite ici Audrey Ventura, éducateur et comportementaliste canin à son compte pour Cynoconsult1 :

« Les pathologies comportementales pointées du doigt sont graves. Elles ont souvent un ancrage génétique ou elles trouvent leurs causes dans les premières semaines de vie du chiot. Elles n’ont pas grand-chose à voir avec l’éducation que nous lui donnerons. Il s’agit de tares perpétuées par ignorance ou irresponsabilité dans la reproduction ou d’une méconnaissance totale du métier de l’élevage canin»

Voilà comment, à cause de la cupidité de certains vendeurs d’animaux, on finit avec des races avec des traits de comportements extrêmes, complètement inadaptés à la vie de chien de compagnie.

Ces comportements hypertrophiés qui pourrissent la vie d’un chien – et de ses maîtres.

Les éducateurs canins en sont témoins. Les consultations pour chien hyperactif sont de plus en plus communes.

Idem pour les chiens hyperréactifs, qui aboient férocement au moindre mouvement.

Hyperexcitables, qui s’emballent et sautent, mordillent, et vocalisent dès qu’on sort un jouet.

Hyperprédateurs, qui coursent tout : les chats, les petits chiens, les vélos, les joggers…

Hypervigilants, et qui ne laissent absolument personne s’approcher de leur territoire.

Hypertypés, avec une musculature tellement imposante, ou un museau tellement écrasé, que leurs congénères refusent de les approcher, car ils ne les comprennent pas.

La liste est longue, et chacun de ces problèmes est très difficile à apaiser. Le chien est comme piégé par l’emprise d’une génétique sélectionnée de manière pitoyable.

L’exemple du Berger Australien, grand perdant de l’effet de mode

Le Berger Australien est le nouveau favori des Français. Reconnu à la Fédération Cynologique internationale depuis 2007, les éleveurs de Bergers Australien ont, depuis, explosé en France.

Le Berger Australien est un chien originaire d’Amérique du Nord, où il est utilisé pour la conduite de troupeau de moutons.

C’est donc, avant tout, un chien de travail, et pas un chien de compagnie. On a génétiquement sélectionné un chien qui allait avoir un fort instinct de poursuite, afin de conduire les troupeaux.

Des « patrons-moteurs » très fréquents chez le Berger Australiens sont donc, par exemple :

  • La fixation de quelque chose en mouvement
  • L’approche lente
  • La poursuite
  • La traque et le rabattage ;
  • La morsure par pincement – souvent aux membres, pour inciter un mouton qui s’est éloigné à regagner le troupeau.

Le Berger Australien est génétiquement fait pour reproduire ce type de comportement. Avec des moutons, et, à défaut, avec d’autres choses en mouvements, pour compenser et satisfaire ses instincts de chien de Berger.

Hélas, ça, c’est une information très peu partagée par les vendeurs de chiens peu scrupuleux. Les adoptants s’emballent pour le beau pelage du Berger Australien ; pour ses yeux verrons ; pour sa vivacité d’esprit… Et l’achètent, convaincus qu’ils auront le chien le plus beau et le plus intelligent par excellence.

Malheureusement, aujourd’hui les abandons de Berger Australien explosent.

Et pour cause : oui, le Berger Australien est vif – mais si vous ne travaillez pas cette vivacité, ces patrons moteurs, ils peuvent très vite tourner au vinaigre !

Je cite ici Gaëlle Pont, fondatrice de l’association « In Dog We Trust »2, qui ré-éduque des chiens abandonnés pour cause de comportements agressifs :

« Rien que dans les 11 derniers jours (compte à l’appui) nous avons reçu plus de 15 demandes de prise en charge pour des bergers australiens de tout âge. (…)

Un chien, sélectionné pour une utilité, soit pour conduire des troupeaux entre des champs et des fermes, quand vous le collez dans un salon, avec 4 marmots qui le prennent pour une peluche, un jardin où il passe sa vie à aboyer, et une balade en famille le dimanche en laisse courte, il devient givré. Ses BESOINS, génétiquement sélectionnés, ne sont pas satisfaits. »

C’est ainsi que beaucoup de Berger Australien deviennent hyperactifs. Hypersensibles. Hyperréactifs. Hyperexcitables. Mais ça, les vendeurs de chiens n’en parlent pas. Et pour cause : l’Australien est le chien le plus voulu en France. Alors forcément, ça encourage ces reproductions par des marchands de chiens ou des opportunistes…

Résultat : les abandons de Berger Australiens affluent, par des propriétaires qui ne comprennent pas pourquoi leur chien est devenu réactif à l’âge de 6, 12, ou 24 mois.

Quand des éleveurs opportunistes saccagent toute une lignée sur des générations, l’éducation ne peut pas faire de miracles.

Les anomalies comportementales dont je parle dans cet article sont très lourdes.

Le Malinois hyperréactif. Le Jack Russel hyperexcitable. Le Beagle Harrier hyperprédateur. Le Border Collie hyperémotif.

(Notez que je donne ici des exemples de races où certains éleveurs ont fait n’importe quoi. Bien sûr, il y a des Malinois, Jack Russel, Beagles, ou Border Collie très équilibrés, qui viennent d’élevage scrupuleux. Ceux-là ont choisi leurs géniteurs pour que chaque chiot soit bien dans ses pattes – et ils ne font pas l’objet de cet article).

Ces tares psychologiques nécessitent une rééducation intense – mais quand le trouble génétique est si profondément ancré, souvent, cela ne suffit pas.

Les propriétaires, et leurs éducateurs, sont alors contraints de se faire aider par un vétérinaire comportementaliste, qui leur donnera un traitement médicamenteux adapté. Psychotropes ; anxiolytiques… Les mots font peur, mais hélas, parfois ils sont inévitables.

C’est un parcours du combattant : coûteux, chronophage et psychologiquement difficile pour tous – le chien, et ses adoptants.

Pourtant, ces peines pourraient être évitées. Il suffirait d’en exiger plus de nos éleveurs. De bannir complètement les vendeurs de chiens.

Vendeur de chien ou éleveur bienveillant : les indices qui ne trompent pas.

Vous me connaissez. Vous savez que je suis un fervent partisan des adoptions en refuge ; en association.

Néanmoins, je ne suis pas dupe. Je comprends aussi le plaisir d’adopter un chiot. D’avoir le chien « de ses rêves ». Je sais que l’adoption de chiens d’élevage ne s’arrêtera pas.

En soi, si chaque adoption était réalisée

  • Par des personnes responsables
  • Dans des élevages respectueux du chien...

... les refuges seraient vides.

Je ne pense pas que les élevages sont voués à disparaître. Je pense qu’il est simplement nécessaire de faire le tri.

Faire le tri entre les élevages passionnés, concernés par le bien-être de leurs animaux, et les opportunistes simplement intéressés par le rendement de chaque portée.

Je vous donne ici les indicateurs qui vous permettront, à vous aussi, de faire le tri.

Ainsi, si un jour vous souhaitez adopter en élevage, vous saurez choisir le vôtre avec soin.

Un éleveur expérimenté choisit méticuleusement ses géniteurs. Il ne fait pas reproduire des chiens qui ont des troubles comportementaux ; ou une santé fragile.

Le vendeur de chien, lui, sélectionnera le chien le plus « beau », qui se vendra plus facilement au premier salon du chiot.

Un éleveur respectueux laissera chaque portée à sa mère pendant 3 mois, pour s’assurer que chaque chiot soit correctement sevré – et apprenne les codes canins avant de partir dans sa nouvelle famille.

Le vendeur de chien se débarrassera de la portée le plus vite possible – il économise ainsi des croquettes, et la chienne peut ainsi vite refaire des concours – ou de nouvelles portées.

Un éleveur responsable prend le temps de connaitre chaque famille d’adoptants. Il s’intéresse à son mode de vie. Il s’assure qu’ils correspondent aux besoins de la race. Il prend le temps de répondre à toutes les questions des futurs propriétaires. Et surtout : il refuse de confier ses chiots à des personnes qu’il ne juge pas dignes.

Le vendeur cèdera les chiots aux premiers venus, en sachant pourtant que l’adoption de sa race demande de solides connaissances en éducation canine, et une réelle consécration en termes de temps et d’énergie.

Je finis cette lettre en citant à nouveau Audrey Ventura, comportementaliste pour son cabinet Cynoconsult, tellement ses mots sont justes :

« L’élevage français est pollué par des personnes (de plus en plus nombreuses) ne montrant aucun respect pour une profession séculaire qui compte bel et bien des sélectionneurs sérieux, passionnés, informés et investis. Pour les trouver et les distinguer de l’incompétence, de l’appât du gain et de la mode, prenons le temps. Faisons-nous conseiller. ».

Sur ce ; j’espère que cet article vous aura justement conseillé, ou sensibilisé aux pratiques catastrophiques qui se développent dans certains élevages aujourd’hui – au détriment des familles adoptantes, et de leurs chiens.

Surtout, partagez-le – en espérant que bientôt, grâce à une vigilance accrue sur ce qu’est un bon élevage, les refuges seront vides – et les abandons seront de l’histoire ancienne !


1 Lien vers son article facebook : https://www.facebook.com/cynoconsult/posts/3375210812493542?__tn__=K-R

2 https://www.facebook.com/indogwetrust74/photos/a.1676323725803750/2215466898556094/?type=3&theater
 

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